Contexte
Lancée en 1990, l’initiative commerciale en faveur des pays andins (Bolivie, Colombie, Équateur et Pérou) est d’un genre particulier. L’accès préférentiel au marché américain est octroyé aux pays afin de favoriser la diversification des exportations de la région et d’éliminer ainsi la production de drogue et son exportation sur le territoire américain. La première loi (Andean Trade Promotion Act, ATPA) est entrée en vigueur en décembre 1991 pour se terminer le 4 décembre 2001.
La loi a été renouvelée dans le cadre de la Loi commerciale de 2002. La nouvelle Loi sur la promotion des échanges et l’élimination de la drogue (Andean Trade Promotion and Drug Eradication Act, ATPDEA) était en vigueur jusqu’en décembre 2006. Elle a été renouvelée en décembre, mais pour six mois seulement : jusqu’au 30 juin 2007. Le système préférentiel peut néanmoins être prolongé pour une période supplémentaire de six mois, à condition toutefois que le Congrès ait approuvé les accords de libre-échange avant le 30 juin. En pratique, cette condition ne s’applique qu’à la Colombie et au Pérou.
Fonctionnement de la clause sociale
Le programme préférentiel s’applique aux quatre pays de la Communauté andine qui rencontrent les critères d’éligibilité. Sur le plan économique, les critères sont moins contraignants que ceux que l’on retrouve dans l’AGOA, mais un changement de ton est perceptible dans la nouvelle loi. Les pays doivent satisfaire un certain nombre d’obligations fortes qui vont de la lutte contre la corruption et le terrorisme à la protection des droits de l’investisseur et de propriété intellectuelle en passant par les droits du travailleur internationalement reconnus (DTIR).
La loi initiale contenait les mêmes dispositions en matière de protection des droits des travailleurs que le Système généralisé des préférences et la loi en faveur des pays du Bassin des Caraïbes. Si dans un pays, le droit du travail n’est pas suffisamment appliqué (ou est insuffisant), les États-Unis peuvent exiger une lettre du gouvernement, exposant la liste de mesures que le pays mettra en œuvre en vue de corriger la situation.
La Loi de 2002 a durci les conditions du programme, à l’image des autres mécanismes de préférences : la loi exige dorénavant que le président examine « jusqu’à quel point (the extent to which) le pays a fait des démarches pour offrir [aux travailleurs] les droits du travailleur internationalement reconnus ». Cette nouvelle formule reflète le passage des DTIR dans la liste des critères obligatoires pour les pays bénéficiaires. De plus, la nouvelle loi prévoit la mise en place d’un mécanisme de pétition de droits équivalent à celui qui existe dans le système généralisé des préférences. La Loi de 2002 donne également la possibilité de faire des bilans annuels pour chacun des pays.
Débats et perspectives
Jusqu’à aujourd’hui, les normes du travail n’ont jamais bloqué l’accès au système de préférences accordé aux pays andins. En 2002, le gouvernement a fait pression sur l’Équateur avec des menaces de suspension, à propos du travail des enfants. Malgré les piètres conditions de travail et la répression du syndicalisme au Pérou et en Colombie, il n’y a pas non plus eu d’action coercitive sur ces deux pays. Étant donné que l’ATPDEA a une visée stratégique forte (lutte contre les narcotrafiquants), il semble que les États-Unis soient moins prompts à réagir à l’encontre des violations des lois du travail dans ces pays. Par ailleurs, la possibilité de faire une pétition de droits n’existe que depuis la dernière mouture de la loi (2002). Cela explique également l’absence de sanctions. L’équateur est le pays le plus visé, par l’AFL-CIO et des ONGs comme l’Human Rights Watch et l’US-LEAP, en raison de l’exploitation du travail des enfants et des abus dans les plantations de bananes, celles de la compagnie Dole en particulier. Quatre pétitions de droits ont été déposées contre ce pays depuis 2002. Le gouvernement américain n’a toutefois pas donné suite aux menaces de sanction contre l’Équateur, au motif que les problèmes seraient réglés dans le cadre des négociations commerciales bilatérales. Au bout du compte, la clause sociale a davantage joué un rôle de menace que de sanction directe.
L’ATPDEA répond aussi à un autre objectif : consolider les réformes économiques et faire avancer par la voie bilatérale le projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Des négociations bilatérales ont été engagées par les États-Unis en 2003 avec la Colombie, l’Équateur et le Pérou. Ils sont arrivés à une entente avec le Pérou en décembre 2005 et avec la Colombie en février 2006. Les accords de libre-échange, appelés Trade promotion agreements, ont été officiellement signés avec le Pérou en avril 2006 et avec la Colombie en novembre. Les négociations ont été définitivement suspendues avec l’Équateur. Les deux accords doivent maintenant être ratifiés par le Congrès des États-Unis. Cette ratification est à hauts risques pour l’Administration Bush. Étant donné les nombreuses violations des droits du travailleur et des droits de l’homme – en Colombie particulièrement où les assassinats de syndicalistes sont nombreux –, on peut s’attendre à ce que ces deux accords fassent l’objet d’une vive opposition de la part des Démocrates. Ceux-ci ont déjà affirmé leur volonté de prendre leur temps et de demander une renégociation des clauses sociales. Par contre, pour ne pas nuire au développement des pays concernés, ils souhaitent délier le renouvellement de l’ATPDEA et la ratification des accords de libre-échange.