Le lien commerce-travail n’est pas un élément nouveau dans les débats internationaux. La question remonte en fait aux débuts des débats sur le libéralisme économique et était au centre des problèmes qui sont à l’origine de la fondation de l’OIT. Après la Deuxième guerre mondiale, les normes de l’emploi et du travail faisaient partie de la Charte de La Havane, dont le but était de mettre sur pied un système approfondi de commerce, à base de règles précises incluant plusieurs éléments liés au commerce (investissements, pratiques commerciales restrictives, développement, etc.). La Charte de La Havane a été abandonnée et la communauté internationale a instauré le système commercial international basé sur le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), qui ne comprenait pas les questions relatives au travail (sauf les dispositions prévues à l’article XX).
La dimension sociale de l’ordre commercial international n’a pas encore été formellement internationalisée. Toutefois, un consensus implicite a contribué à tempérer les relations industrielles et internationales grâce aux États-providence de par le monde qui se sont montrés favorables au développement des politiques sociales et de la législation du travail à l’échelle nationale. Le changement d’orientation de ce consensus vers le néolibéralisme et le Consensus de Washington, dans les années 70, a éliminé bien des obstacles au processus de mondialisation.
Depuis les années 80, une quantité imposante d’accords commerciaux régionaux, bilatéraux et multilatéraux ont été signés par un nombre grandissant de nations commerçantes. Ces accords s’étendent maintenant bien au-delà des questions relatives au commerce et couvrent des questions comme l’investissement, le droit de propriété intellectuelle, la concurrence, la régulation, les normes, etc. Dans les années 90, les accords commerciaux ont de plus en plus souvent été accompagnés de dispositions sociales, ou d’accords séparés liés au travail.
Du pour et du contre
Arguments favorables
– Le commerce crée la croissance mais est incapable d’assurer un certain progrès social. L’amélioration de l’emploi et des conditions de travail doit donc être assurée par des mesures particulières.
– La concurrence internationale crée une « course vers le bas » faisant en sorte que les nations recherchent des avantages économiques et concurrentiels en favorisant des conditions de travail médiocres ainsi que des salaires et des normes de travail à la baisse.
– Les clauses sociales pourraient être employées contre les multinationales qui mettent en place de piètres conditions de travail à l’étranger.
Arguments défavorables
– La meilleure façon d’améliorer l’emploi et les conditions de travail est d’augmenter la croissance en libéralisant le commerce. Les normes du travail pourraient dénaturer le commerce, ayant ainsi un effet contraire à l’effet recherché, soit de réduire la croissance et l’emploi et de nuire à ceux que les normes sont censées protéger.
– Les normes du travail devraient relever du pouvoir national et ne devraient pas être dictées par des obligations internationales.
– Les accords commerce-travail sont pris en otage par les intérêts « protectionnistes ».
– L’interface commerce-travail ne réussit pas à discipliner les entreprises dans l’économie mondiale.
La question sociale a refait surface au niveau multilatéral lors de la création de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Il en est résulté un refus de l’OMC de discuter des questions du travail, affirmant ainsi l’OIT comme forum privilégié du débat sur la dimension sociale de la mondialisation. (Voir la section Initiatives internationales.) Les initiatives commerce-travail ont connu plus de succès aux niveaux bilatéral et régional. Des pays développés, comme les États-Unis, le Canada et l’Europe, ont signé avec divers pays en voie de développement de nombreux accords couvrant des questions liées au travail ou encore des ententes séparées relatives au travail et au commerce. En Europe, la dimension sociale du processus d’intégration représente peut-être l’expérience la plus avancée en matière d’interface des questions économiques et sociales. Dans le Sud, l’on note plusieurs processus d’intégration commerciale incluant des dispositions concernant le travail et les questions sociales. Les États-Unis préfèrent imposer des sanctions commerciales, tandis que la plupart des autres acteurs sont réticents à cette approche, préférant la coopération volontaire. Différentes approches et perspectives sont en cours de développement, certaines plus efficaces que d’autres.
Cette section du Répertoire porte sur les questions de commerce-travail. Ses sous-sections traitent de l’élaboration de la constellation commerce-travail aux niveaux régionaux, sous-régionaux et bilatéraux
Acteurs
Les acteurs impliqués dans la GGT sont nombreux. Parmi eux, on retrouve des organisations internationales et d’État, et quantité d’autres acteurs comme les entreprises, les consommateurs, les syndicats, les investisseurs, les associations patronales, les ONGs, etc. Ces acteurs, protagonistes ou cibles (souvent même l’un et l’autre), contribuent de ce fait à l’élaboration et au développement de mécanismes de régulation. Les stratégies de ces intervenants multiples (syndicats, associations de travailleurs, consommateurs, ONGs) visant à promouvoir les normes du travail ciblent directement les États ainsi que les firmes et organisations internationales, entraînant de leur part diverses réactions. Par ailleurs, les États, les organisations internationales et les acteurs privés deviennent eux aussi défenseurs des normes globales du travail et travaillent à concevoir de nouvelles formes de régulation qui sont élaborées, développées et mises en pratique grâce au nombre grandissant d’ententes, d’alliances et de partenariats entre les différents acteurs.
Toute stratégie visant à promouvoir une mondialisation juste et équitable et de meilleures conditions de travail doit tenir compte du rôle joué par la pluralité des acteurs impliqués, ainsi que de leurs puissances relatives et de leur capacité à créer des solutions nouvelles et efficaces. Cette section du répertoire fournira de l’information et des outils d’analyse liés à l’évolution du rôle des acteurs actuels de la GGT, tels les États et les organisations internationales, du rôle grandissant des nouveaux acteurs ainsi que des interactions entre les divers acteurs de la GGT.
Notes et Analyses
Documentation officielle
Documents scientifiques
Joindre un expert