Les stratégies de développement international sont en pleine mutation et les politiques de coopération internationale n’échappent pas à cette réalité. Entre l’émergence de nouveaux mécanismes de fourniture de l’aide tels le support budgétaire, la multiplication des fonds verticaux notamment sur la problématique du VIH/SIDA, la montée des nouvelles pratiques induites par les débats sur l’efficacité de l’aide et les enjeux de sécurité, on assiste à l’effritement du monopole programmatique des bailleurs traditionnels de l’assistance publique au développement (APD). Fondations, philanthropes, mais surtout les nouveaux bailleurs bilatéraux comme la Chine ou dans une moindre mesure le Brésil et la Corée du Sud, viennent transformer l’architecture de la coopération et les pratiques dans les pays dits en développement. Enfin, la multiplication et l’ampleur de catastrophes humanitaires et la volonté de renouveler les interventions sur une base plus durable dans les situations de crise et de post-conflit, rendent de plus en plus urgents les besoins de réflexion sur l’articulation des phases d’urgence humanitaire, de reconstruction et de développement.
Quelles sont les conséquences de ces transformations sur les pratiques des bailleurs traditionnels membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) dont le Canada ? Ces transformations remettront-elles en question les stratégies du passé ou doit-on s’attendre à voir converger les nouveaux acteurs du régime de l’aide vers les pratiques institutionnalisées des membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE ? Mais aussi et surtout, cet effritement du monopole programmatique des membres du CAD est-il de nature à accroître l’appropriation des stratégies de développement par les pays récipiendaires, c’est à dire les sujets du développement, en leur permettant de jouer un rôle plus affirmé et ainsi que de faire triompher leurs préférences et leurs projets de développement ou assisterons-nous simplement à un déplacement des rapports de pouvoirs induits et reproduits par l’APD ? Ses changements sont-ils propres au Canada ou signalent-ils des transformations qui caractérisent les autres pays donateurs membres de l’OCDE ? Quelles sont les conséquences de ces changements pour l’action des organisations non-gouvernementales et des autres acteurs privés au Canada et au Québec ? Au fond, ces transformations profondes mèneront-elles à un changement de régime ou même la fin du régime de l’aide tel que nous le connaissons ?
Ces questionnements, et bien d’autres, sont et seront essentiels dans les années et décennies à venir pour tous les acteurs impliqués dans la formulation, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques de coopération internationale, ainsi que pour les sujets du développement eux-mêmes dont les gouvernements concernés, les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, les intervenants sur le terrain et les milieux de la recherche et de la formation.