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Dan O’Meara

Dan O’Meara est professeur titulaire au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal depuis 1988. Il a terminé sa maîtrise en Études africaines à l’Université de Sussex en 1973 et y obtiendra son Ph.D. en science politique/études du développement en 1979. Il a occupé le poste de professeur agrégé au Centre des études africaines de l’Université Eduardo Mondlane (Mozambique), de directeur-fondateur du Consortium Canadien pour la recherche sur l’Afrique australe (Université McGill) de 1992 à 1996 et de professeur-invité/chercheur-invité, notamment à l’Université Yale et à l’Université de Witwatersrand (Afrique du Sud).

Profil de Dan O’Meara paru dans Perspectives internationales :

Regard sur Dan O’Meara
L’intellectuel et son engagement : l’analyse politique au service de l’action
par Alexandra Ricard-Guay

On ne peut ignorer le parcours de Dan O’Meara et son expérience en tant que militant dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud pour saisir ce qui l’anime en tant que professeur et chercheur. L’histoire politique du pays a profondément façonné sa façon d’analyser la politique et de penser les relations internationales.À l’évocation de ce pays au lourd passé, sa mémoire déferle un flot de moments historiques, au sein desquels l’histoire du pays et son histoire personnelle s’entremêlent. L’engagement de l’intellectuel n’est pas pour lui qu’une idée vague ; il est ancré dans l’action militante. Il faut comprendre pour agir. Militantisme, études et recherches ont fait partie d’un même combat contre l’apartheid. Il débute ses études universitaires à Johannesburg, dans la frénésie de la fin des années 1960. Seulement, dans le contexte politique d’apartheid et de censure, l’accès aux écrits des résistants noirs et des prisonniers politiques est interdit. La haine anime davantage les militants que le désir de compréhension. Tout est noir ou blanc. Un immense vide intellectuel prévaut.

Dan O’Meara poursuivra ses études à l’Université de Sussex en Angleterre. Paradoxalement, c’est dans ce pays qu’il découvrira un visage encore inconnu de l’Afrique du Sud. Il a accès à une littérature sur des évènements ayant marqué l’histoire sud-africaine. Une effervescence intellectuelle l’amène à découvrir l’histoire de son pays, à combler l’absence d’analyse sur le contexte d’apartheid et à comprendre afin de mieux organiser le changement. Sa vision du travail d’intellectuel en sera à jamais marquée : la capacité d’analyser est intimement liée aux possibilités d’organiser les forces de changement. Son choix professionnel est alors inséparable de son expérience politique : le politicologue est un instrument de changement.

Un poste lui est offert en Afrique du Sud, mais les conditions très difficiles que subissent les intellectuels sud-africains à l’époque l’amènent à prendre une autre voie. En 1977, il accepte un poste dans une université de Tanzanie en tant que professeur d’histoire de l’Afrique du Sud et également en tant que membre de l’ANC . Quatre ans plus tard, il joint le Centre des études africaines de l’Université Eduardo Mondlane au Mozambique. Il arrive au Québec en décembre 1985. Il travaille en tant que directeur de recherche pour une ONG servant, entre autres, de centre d’information sur l’Afrique australe. Cela ne prend que quelque temps pour que le Département de science politique de l’UQAM l’invite à devenir professeur. Il acceptera cette offre et découvrira, outre le français, des étudiants intéressés et avides de connaissances, dont il ne cesse de faire l’éloge encore aujourd’hui. Il sera également le directeur-fondateur du Consortium Canadien pour la recherche sur l’Afrique australe à l’Université McGill de 1992 à 1996.

Une nouvelle page d’histoire de l’Afrique du Sud le propulse à nouveau dans l’action
politique, cette fois afin de consacrer par la voie électorale la fin de l’apartheid. L’élection de Nelson Mandela, en 1994, marque la victoire d’une lutte à laquelle il avait jusqu’alors consacré sa vie. Toutefois, l’ouverture de cette brèche d’espoir vers une société libérée de l’oppression et plus équitable pour tous se referme d’une façon imprévue. Le regard que Dan O’Meara porte sur l’avenir de l’Afrique du Sud est plutôt teinté de pessimisme. Une culture politique stalinienne, portée par l’actuel président Thabo Mbeki, a tronqué le débat public par la pensée unique - une pensée unique dont le projet est essentiellement " néolibéral ".

Lorsqu’on lui demande ce qu’il pense du NEPAD, un projet issu de la fusion des projets de Wade et de Mbeki, il répond que cette initiative n’est que le prolongement de la politique sud-africaine et qu’elle est fondée sur une politique néolibérale qui est un désastre pour la population sud-africaine. Dans sa forme actuelle, ce projet, tout comme celui de l’Union africaine, est condamné à l’échec. Si Dan O’Meara a pris un recul par rapport à son engagement militant, sa vision de l’engagement de l’intellectuel l’anime toujours. La théorie ne se limite pas au simple empirisme. Il faut saisir les différentes façons de percevoir les évènements. La question ontologique est fondamentale. Cette vision se reflète dans ses projets de recherche actuels. Un premier projet porte sur l’identité et la sécurité nationales britanniques depuis la prise du pouvoir de Tony Blair. Une publication sur ce sujet est à paraître sous peu. Le deuxième s’intéresse à la politique étrangère de l’Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid dans une perspective de reconstruction de l’identité nationale sud-africaine. Un troisième projet aborde plutôt la culture politique du gouvernement sud-africain de Thabo Mbeki. Le nombre de projets sur la table traduit sa passion insatiable pour la compréhension des processus politiques. Il a publié, en outre, plusieurs écrits, livres et articles spécialisés, sur la politique sudafricaine durant l’apartheid, dont Forty Lost Years : The Apartheid State and the Politics of the National Party, 1948-1994 (1996).

Tout au long de sa carrière de professeur, Dan O’Meara aura marqué le parcours de nombreux étudiants. S’il dresse aujourd’hui un constat plutôt sombre d’une culture dans laquelle l’histoire perd sa valeur, une culture du fast food de l’information, je lui répondrai ceci. Il n’y a rien de mieux pour raviver la soif de connaissances chez les étudiants qu’un intellectuel qui sache transmettre sa passion, sa vision imprégnée par l’expérience politique de la théorie des relations internationales comme il le fait !

Contributions les plus importantes :

 « Construire des ponts ou s’asseoir sur la clôture ? La politique étrangère britannique depuis l’invasion d’Irak », avec Chantal Lavallée, dans : Macleod, Alex, Morin, David (dir.), Diplomaties en guerre : Sept États face à la crise irakienne , Montréal, Athéna éditions, 2006, pp. 37-68.

 « Total Strategy in Southern Africa : An Analysis of South African Regional Policy », avec Robert H. Davies, Journal of Southern African Studies , vol. 11, no. 2, 1985.

 The Struggle for South Africa : A Reference Guide to Movements, Organisations and Institutions , avec Robert H. Davies et Sipho Dlamini, 2 volumes, London, Zed Books, 2 e édition, 1988.

 Volkskapitalisme : Class, Capital & Ideology in the Development of Afrikaner Nationalism , 1934-1948 , Cambridge , Cambridge University Press, 1983.