Il y a 40 ans, Schwartz et Lellouch ont inventé les essais cliniques pragmatiques. Cette proposition n’a pas encore été complètement prise en compte. Il semble que cela soit aujourd’hui aussi le cas dans le domaine de l’évaluation des interventions de santé publique où certains croient encore à la supériorité des méthodes expérimentales. Pourtant, la réalisation d’évaluation d’interventions complexes en santé publique est semée d’embûches pour les chercheurs. La majorité de ces interventions se déroulent dans des contextes d’expérimentations naturelles où ils n’ont pas le contrôle du contexte et des facteurs modifiant la mise en œuvre et influençant les effets. Les approches expérimentales sont alors peu pertinentes, alors que les responsables souhaitent prendre des décisions pour les améliorer. Cet article présente notre expérience des cinq dernières années de recherches évaluatives de deux interventions de santé publique. Nous voulons montrer comment, dans la pratique et de manière pragmatique, nous réalisons des évaluations. L’article est centré sur des éléments encore peu abordés dans les écrits francophones : la phase préévaluative et la logique d’intervention, les plans de recherche diversifiés par les méthodes mixtes et les séries chronologiques, l’analyse de la fidélité de l’implantation et des mécanismes propices à l’efficacité. Le recours à une approche pragmatique de recherche évaluative, en insistant sur la compréhension du contexte et en usant de stratégies méthodologiques renforcées, permet de répondre avec rigueur aux questions d’évaluation que se posent les responsables des interventions complexes en santé publique. L’analyse de l’efficacité des interventions ne doit donc pas nécessairement avoir recours à des approches expérimentales.