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Présidentielle en Équateur. Entre le populisme et l’autoritarisme du pouvoir

15 janvier 2013 , par Simon Morin

Reconnu comme une des figures contestataires d’Amérique latine, l’Équateur connait un important processus de transformations politiques depuis l’élection de Rafael Correa en septembre 2006. Aux côtés du Venezuela d’Hugo Chavez et de la Bolivie d’Evo Morales, l’Équateur est partie prenante de la Révolution bolivarienne. S’étant doté d’une nouvelle constitution nationale en septembre 2008, l’Équateur est à la recherche de la société du « bien vivre » à l’enseigne du socialisme du XXIesiècle.

Le 17 février prochain, les Équatorien.ne.s auront à choisir leur nouveau président pour les quatre prochaines années. Néanmoins, un seul des 8 candidats en liste sera élu à la présidence du pays ; à condition seulement d’obtenir 40% d’appui de la part de la population ainsi qu’au moins 10 points d’avance sur son plus proche rival. Dans le cas contraire, les deux principaux candidats ayant récolté le plus de votes lors de ce premier tour électoral devront s’affronter de nouveau à l’occasion d’un second tour le 7 avril prochain.

Au pouvoir depuis le 15 janvier 2007, l’actuel président, Rafael Correa, sollicite un dernier mandat à la tête du pays. Donné favori par les nombreux sondages nationaux, il bénéficierait de quelque 50% d’appui. Sa réélection serait ainsi quasi certaine face à une opposition politique divisée. Son plus proche rival, Guillermo Lasso, ancien président de la Banque de Guayaquil, essuyait un retard de plus de 30 points aux derniers sondages menés.

Rafael Correa donné gagnant

En plus de sa popularité, Rafael Correa bénéficie d’un contexte plus que favorable à sa réélection. En effet, selon les nombreux sondages d’opinion, les Équatorien.ne.s considèrent être dans une meilleure situation qu’avant son élection en 2006. Un bref aperçu socioéconomique du pays conforte cette opinion. Résultat du Plan national de développement pour le bien-vivre 2009-2013, l’affaissement des inégalités sociales ainsi que la réduction de la pauvreté par une plus grande accessibilité aux services sociaux sont rendus possible par un rôle plus actif de l’État dans la gestion de l’économie et dans la plus grande captation des redevances minières et pétrolières à la base de ce refinancement des services publics.

Rafael Correa incarne aussi une figure symbolique aux yeux des Équatorien.ne.s. Élu à la suite d’un soulèvement populaire en avril 2005, il a été intimement associé aux critiques des manifestant.e.s pour ses prises de position à l’encontre du Consensus de Washington. De même, lors de sa campagne électorale en 2006, son parti politique, Alianza País, prit pour thème de campagne celui de la « Révolution citoyenne » en référence au surgissement de 2005 de manière à laisser entendre que son parti était celui du « peuple » dans son affirmation politique. Loin d’être anodine, cette proposition électorale fonde le caractère populiste de la présidence de Rafael Correa obligeant la population à choisir entre « son propre projet politique » et celui d’une élite du pouvoir corrompu, dont l’instabilité des années quatre-vingt-dix marque la figure.

Incertitude autoritaire

Malgré sa popularité, Rafael Correa ne fait pas l’unanimité. Tant la droite que la gauche l’accusent d’abuser de ses pouvoirs et de faire montre d’autoritarisme. Dû à la proximité qu’il s’efforce d’entretenir entre la « Révolution citoyenne » et son projet politique, Rafael Correa prétend incarner le peuple dans ses revendications les plus légitimes. Par conséquent, la remise en question de sa légitimité populiste, par le Mouvement populaire démocratique d’Alberto Acosta, notamment, ancien président de l’Assemblée constituante de 2007 et ancien Ministre de l’Énergie et des Mines sous la présidence de Rafael Correa, mène à un débat polarisé au sein duquel les partisans d’Alianza País ne reconnaissent pas même le statut d’opposant politique de leurs principaux adversaires. Au contraire, ils entretiennent un discours discréditant à leur égard, n’hésitant pas à qualifier certains journalistes « d’assassins encrés » ou encore certains groupes de défense de l’environnement et mouvements autochtones d’« écologistes infantiles ».

Dans un contexte où les plaintes au Conseil national des élections fusent de tout bord contre le parti présidentiel, l’autoritarisme du pouvoir semble miner la légitimité d’Alianza País. Le dernier référendum populaire révèle, à ce sujet, la baisse de ses appuis en comparaison du passé. Soumis à la population le 7 mai 2011, le référendum avait pour mandat de clarifier l’action du gouvernement quant aux grands médias et à la justice nationale particulièrement. Notamment, Rafael Correa avait cherché à règlementer l’actionnariat des médias sous l’influence de l’ancienne élite du pouvoir afin d’éviter la propagande biaisée des années passées ainsi que la collusion caractéristique en Amérique latine entre banquiers et grands médias nationaux. Il demanda donc les mandats d’interdire aux propriétaires des médias d’investir dans le secteur financier et vice-versa ainsi que le pouvoir de règlementer les contenus médiatiques, ce qui fut vivement dénoncé par l’Union nationale des journalistes comme une atteinte directe à la liberté d’expression.

D’autre part, la légitimité de Rafael Correa est atteinte par la multiplication des conflits locaux, dans la région de l’Amazonie spécifiquement, occasionnée par le déploiement de vastes projets d’extraction minière et pétrolière dont les populations, souvent autochtones, ont à subir les conséquences sociales et environnementales, et ceci, étant accompagné par une poussée de la militarisation de la région, constatée par la hausse des budgets militaires ainsi que par la mobilisation de ses effectifs pour contrer l’opposition des communautés locales envers ces mégaprojets extractivistes.

L’élection de Rafael Correa, le 17 février prochain, est donc à prévoir. Cependant, nous avons tout à penser que l’appui qu’il récoltera sera de moindre importance que par le passé et révèlera l’effritement d’une légitimité populiste remise en question par un certain autoritarisme du pouvoir.

*Simon Morin
Candidat à la maîtrise en science politique

Bibliographie pour aller plus loin

André Corten. « Équateur action directes à courant et à contre-courant ». Chapitre 1. Dans L’interpellation plébéienne en Amérique latine ; Violence, actions directes et virage à gauche, André Corten, Catherine Huart et Ricardo Peñafiel (dirs.). p.67-92. Québec : Presses de l’Université du Québec, 2012.
Catherine M. Conaghan. « Ecuador : Correa’s Plebiscitary Presidency ».Journal of Democracy, Volume 19, Number 2 (April), 2008, p. 46-60.
Courrier international, Le cas Assange, thème de campagne électorale :
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2012/08/17/le-cas-assange-theme-de-campagne-electorale
InterAmerican Security Watch. State spending fuels Correa’s re-election bid in Ecuador. En ligne. http://interamericansecuritywatch.com/state-spending-fuels-correas-re-election-bid-in-ecuador/.
MercoPress. Opinion polls anticipate a windfall re-election vote for Correa in Ecuador. En ligne. http://en.mercopress.com/2013/01/03/o.
ElectionGuide. Ecuador. En ligne. http://www.electionguide.org/country.php?ID=64.
Le Point. Equateur : référendum sur les réformes de Correa. En ligne.http://www.lepoint.fr/monde/equateur-referendum-sur-les-reformes-de-correa-07-05-2011-1327970_24.php
Radio France international. Ricardo Patiño : Ecuador, a poco tiempo de las elecciones. En ligne. http://www.espanol.rfi.fr/americas/20130128-ricardo-patino-ecuador-poco-tiempo-de-las-elecciones.
Radio France internationale. Les États-Unis se retirent de Manta, dernière base américaine en Amérique du Sud. En ligne :http://www.rfi.fr/actufr/articles/115/article_82802.asp.
CREO. Conocemos. En ligne. http://creo.com.ec.
Movimiento popular democratico. MPD 15 Inicio. En ligne :http://www.mpd15.org.ec/

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