La Chine est déjà dans l’après-crise. C’est en substance le message d’optimisme que formulait il y a quelques jours un entrepreneur québécois établi à Shanghai. C’est dans cette perspective que l’IEIM, dans sa stratégie de veille sur la crise de la COVID-19, a réalisé des entretiens à distance avec des professeur.e.s, chercheur.e.s et étudiant.e.s dans les universités chinoises. Leur témoignage met en lumière un espoir collectivement partagé sur un retour à la normale d’ici quelques semaines. Par souci d’anonymat, les noms ont été changés.
Cela fait de plus de deux mois que Junhua et Xu, respectivement Professeur à Shanghai et étudiante au doctorat à Pékin, sont isolés chez eux. Dans la plupart des grandes villes en Chine, à l’exception de la province du Hubei et sa capitale Wuhan, le gouvernement n’a pas instauré de mesure de confinement total ou de bouclage entier de la ville. À Pékin, par exemple, Xu vit avec ses parents et marche avec eux quotidiennement dans leur quartier ; ils n’ont toutefois pas la possibilité d’en sortir. Peu importe, les épiceries sont situées à proximité et il reste toujours l’éventualité – très répandue en Chine avec son quasi milliard de téléphones mobiles – de commander en ligne.
Face à la propagation de la COVID-19, opérant une « gestion en circuit fermé » (封闭管理 – fēngbì guǎnlǐ), selon la terminologie chinoise, le gouvernement a instauré le bouclage de la ville de Wuhan et de certaines provinces limitrophes. Dans le reste du pays, la mise en quarantaine des quartiers résidentiels et des campus universitaires, la suspension des activités publiques et la surveillance stricte des locations immobilières ont représenté les principales mesures de gestion de crise. Tandis que l’activité économique du pays dans son ensemble n’a pas encore repris, les secteurs du tourisme et de la restauration sont d’ores et déjà les principales victimes collatérales de l’épidémie de coronavirus (SARS-CoV-2).
Dans le secteur de l’éducation, la Chine a brillé par sa réactivité en réussissant à déployer, en l’espace de quelques semaines, des programmes de cours en ligne dans tous les établissements du primaire aux universités. Un vaste sondage réalisé par l’Université Tsinghua montre que, selon 40% à 50% des étudiants chinois, la formation en ligne ne pâtit pas sur la qualité de l’enseignement. Le changement de paradigme opéré vers une école virtuelle démontre la résilience des infrastructures numériques en Chine en même temps que les défis de taille qu’il reste à relever, en ce qui concerne par exemple la formation du personnel administratif ou encore les coûts financiers associés à une telle réforme.
Selon l’Institut de statistique de l’UNESCO, la fermeture de toutes les écoles à l’échelle nationale en Chine, instaurée le 21 février 2020, concerne 278,4 millions d’apprenants dont plus de 45 millions d’étudiant.e.s à l’université. Tous les examens ont été annulés et, comme le souligne le Professeur Wang de l’Université du Peuple de Chine à Pékin, « cette décision met en péril la préparation des séjours de recherche de nos étudiants mais aussi les programmes de mobilité internationale avec les universités partenaires ».
Un autre inconvénient de taille concerne les professeur.e.s et chercheur.e.s étrangers qui, pour la plupart, ont regagné leur pays d’attache, en Europe ou en Australie, par exemple. En effet, la Chine maintient l’obligation d’une quarantaine d’une durée de quatorze jours pour tous les nouveaux arrivants sur leur sol. Or, cela pourrait obliger les membres du corps professoral à anticiper leur date de retour en Chine afin d’assurer une reprise des cours en présentiel d’ici la fin du mois d’avril. S’il s’agit du scénario le plus optimiste, la réouverture des universités dépend in fine de l’approbation des autorités locales, c’est-à-dire du gouvernement provincial (la Chine étant administrativement décentralisée en 22 provinces avec des statuts différenciés). Même si les étudiants, comme Xu, ne sont toujours pas autorisés à accéder à leur campus, les professeurs dans certaines universités chinoises, notamment à Pékin, sont déjà au travail. Ce retour d’expérience en Chine, où s’amorce actuellement la fin de la crise, devrait nous encourager à adopter une forme d’optimisme et ainsi rappeler le caractère passager des événements à venir.