Depuis 2008, on observe une montée d’acquisitions ou d’accaparements massifs de terres dans des pays à faible et à moyen revenu à travers le monde. Cette présentation examinera les effets de ces transactions foncières sur les rapports de genre et les réponses qui sont apportées, en s’appuyant sur l’introduction d’un numéro spécial récemment publié dans la revue Feminist Economics et intitulé Land, Gender and Food Security, dirigé par la conférencière en collaboration avec Cheryl Doss et Gale Summerfield (2014).
Les principales contributions des neuf articles de ce numéro spécial peuvent se résumer en trois points. Le premier s’intéresse aux différentes façons de conceptualiser les enjeux liés à l’analyse du genre, que ce soit en critiquant les cadres analytiques actuels ou en proposant de nouveaux cadres conceptuels. Le second démontre l’utilité des recherches fondamentales sur les inégalités de sexe en termes de propriété foncière et de systèmes de production agraire afin de mieux comprendre les implications des récentes acquisitions de terres sur les rapports de genre. Voici quelques-uns des enjeux traités : dans quelle mesure les droits fonciers et l’établissement d’un registre et de titres fonciers équitables au point de vue du genre protègent-ils les intérêts des femmes; le potentiel du droit coutumier dans la protection des intérêts des femmes; et les effets cumulatifs au niveau micro des accaparements de terres depuis la période coloniale. Enfin, plusieurs des études de cas regroupées dans ce numéro spécial étudient les effets des nouvelles acquisitions de terres à grande échelle sur les femmes et portent une attention particulière sur les effets de l’accaparement de terres et de la perte de ressources foncières communes sur les activités liées aux moyens de subsistance, l’emploi, le travail reproductif et le statut social des femmes.
On peut en tirer trois principales conclusions : la littérature sur le genre et la propriété foncière est pertinente afin de mieux comprendre les effets potentiels des transactions foncières; certains enjeux liés aux transactions foncières vont au-delà des obstacles à l’égalité hommes-femmes et sont davantage liés aux problèmes de dépossession et de perte des moyens de subsistance de manière générale; et enfin, plusieurs lacunes demeurent quant aux connaissances acquises en matière de genre et de droits fonciers, lacunes qui méritent urgemment d’être prises en compte en adoptant systématiquement une analyse de genre dans la recherche dominante.
Dzodzi Tsikata, actuellement chercheure en résidence O’Brien au Centre for Human Rights and Legal Pluralism à l’Université McGill, est professeure associée à l’Institute of Statistical, Social and Economic Research (ISSER) de l’Université du Ghana. Ses recherches portent principalement sur les questions de genre et les politiques et pratiques de développement, sur les réformes en matière de propriété foncière et les transactions foncières commerciales à grande échelle, ainsi que sur les conditions de travail informel. Ses publications comprennent un ouvrage co-dirigé (avec Pamela Golah) Land Tenure, Gender and Globalisation: Research and Analysis from Africa, Asia and Latin America (Zubaan, 2010) et un numéro spécial de Feminist Africa co-dirigé (avec Dede Esi Amanor Wilks) et portant sur la terre, le travail et les moyens de subsistance des femmes (2009).