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Afghanistan : le devoir de s’opposer


Justin Massie, « Le devoir de s’opposer », La Presse, 18 novembre 2010, A28.

La décision du gouvernement Harper de prolonger l’engagement canadien en Afghanistan au-delà de 2011 est vivement critiquée pour son manque de légitimité démocratique. Après tout, le gouvernement en fera l’annonce officielle au Portugal plutôt qu’à Ottawa.

Certains partis de l’opposition réclament donc un vote à la Chambre des communes, alors que le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, juge qu’un vote n’est pas nécessaire compte tenu de la nature « technique » de la mission à venir pour les forces armées canadiennes.

La question n’est pourtant pas de savoir s’il doit y avoir un vote, ou non, sur ce type d’engagement militaire. Il s’agit plutôt de savoir si les partis de l’opposition devraient appuyer ou s’opposer à la politique afghane du gouvernement Harper. Si les partis de l’opposition ne s’opposent pas, la légitimité démocratique de l’intervention canadienne en Afghanistan sera entachée.

En effet, ni la Constitution canadienne ni les conventions parlementaires n’exigent la tenue d’un vote, voire même d’un débat, avant quelconque déploiement militaire à l’étranger (technique, offensif ou autre). Ce pouvoir réside entièrement entre les mains du premier ministre et du Cabinet. L’expression « le Parlement décidera » a certes été maintes fois répétées par différents gouvernements fédéraux - et mise en oeuvre à quelques rares occasions. Chaque fois cependant, l’expression sert les mêmes intérêts : conférer une légitimité démocratique symbolique, déresponsabiliser le gouvernement de la décision de déployer des militaires canadiens dans un théâtre potentiellement fatal pour certains d’entre eux, et éviter que cette décision ne soit un enjeu d’une campagne électorale.

Lorsqu’un vote à la Chambre des communes a lieu, à l’instar de celui de 2006 et de 2008 sur la prolongation de la mission afghane, il est donc impératif que les partis de l’opposition fassent ce que le système parlementaire attend d’eux : s’opposer aux politiques gouvernementales. Lorsque ceci n’est pas fait, les conséquences sont nuisibles pour la démocratie canadienne : absence de débat aux Communes ? ; incapacité de l’opposition de forcer le gouvernement à rendre des comptes à la population ; partage de la responsabilité décisionnelle par les partis appuyant le gouvernement.

Voilà d’ailleurs ce qui explique l’incapacité du Parti libéral, depuis 2008, d’exiger du gouvernement de rendre des comptes aux Communes à propos de la mission afghane du Canada. Quelle était la validité de l’échéance de juillet 2011 ? Le gouvernement a-t-il atteint les objectifs de son intervention militaire ? La stratégie adoptée est-elle la bonne ? Quels sont les coûts réels de la mission ? Ces questions - et bien d’autres - sont malheureusement demeurées sans réponse depuis plus de deux ans, le Parti libéral se contentant de réfléchir à l’après-mission, après 2011.

En s’opposant à la décision de prolonger, pour une troisième fois en quatre ans, la mission canadienne en Afghanistan, les partis de l’opposition pourront ainsi questionner sans relâche le gouvernement sur les progrès et les embûches à venir d’ici 2014. Ils pourront même, s’ils souhaitent refléter l’opinion d’une majorité de Canadiens - et de trois Québécois sur quatre - exiger un retrait militaire immédiat lors d’éventuelles élections fédérales.

Un consensus inter-partisan peut certes sembler profitable pour l’intérêt supérieur du pays en évitant la partisanerie politique sur un enjeu de vie ou de mort. Il faut cependant toujours garder en tête que la démocratie parlementaire exige une opposition qui s’oppose afin de garder le gouvernement responsable et imputable de décisions pouvant entraîner la mort de Canadiens et d’étrangers. Même en situation de gouvernement minoritaire, une saine opposition demeure possible. Il s’agit de s’assurer que les membres du gouvernement soient plus nombreux à se présenter en Chambre lors du vote.

Ainsi, lorsque le gouvernement Harper entérinera un rôle post-2011 des troupes canadiennes en Afghanistan lors du Sommet de l’OTAN à Lisbonne, au nom de la démocratie canadienne, il est souhaitable que les partis d’opposition respectent leur rôle et exigent des comptes du gouvernement.

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