Pendant la campagne électorale présidentielle, les médias, aux États-Unis comme à l’étranger, n’ont pas manqué de souligner certaines déclarations et propositions du candidat Barack Obama sur le commerce et l’avenir des accords commerciaux. De façon étonnante pourtant, ils n’ont guère fait mention de l’une des propositions contenues dans la plateforme économique démocrate concernant les délocalisations. Largement inspirée d’un projet de loi introduit par le sénateur Dick Durbin en août 2007, le Patriot Employer Act, la proposition vise à amender le Code de l’impôt dans le but d’accorder un crédit d’impôt aux entreprises qui maintiennent ou augmentent le nombre des emplois aux États-Unis relativement à ceux à l’étranger. Le projet de loi n’a pas dépassé le stade des débats en chambre, et Barack Obama, lui-même, est demeuré très discret sur cette proposition tout au long de la campagne électorale. Rien n’indique non plus qu’il y donnera suite, tant les critiques du Patriot Employer Act ont été nombreuses et virulentes. Celles-ci sont d’abord venues des milieux d’affaires et des think tanks ultralibéraux comme le CATO Institute et la Heritage Foundation, mais également de nombreux économistes qui y voient les uns une entorse à la libre entreprise et à l’efficacité des marchés, les autres une mesure qui viendrait pénaliser les entreprises performantes et entraverait l’adaptation de l’économie américaine aux contraintes de la concurrence internationale. Ses défenseurs, au contraire, préfèrent insister sur la responsabilité sociale des entreprises, sur les règles à donner à la globalisation et sur le rééquilibrage du pouvoir économique.
La note qui suit porte sur le Patriot Employer Act. D’autres projets de loi du même type ont été proposés, et d’autres encore viendront, mais celui-ci est emblématique des débats actuels aux États-Unis sur le commerce, la mondialisation et les délocalisations où un profond sentiment d’insécurité économique a gagné toutes les couches de la population. La victoire éclatante du candidat Obama et, avec lui, des Démocrates démontre la profonde volonté de changement et de réforme, y compris de la politique commerciale. Comme nous le verrons, les arguments contre une proposition comme celle de favoriser d’abord l’emploi à la maison sont pléthores, mais, par delà les critiques et peu importe ce qu’il adviendra de cette proposition, une chose est sûre, l’idée de commerce responsable deviendra l’une des idées fortes de la politique commerciale américaine dans les années à venir, tout comme le fut celle d’une globalisation à visage humain du temps du président Clinton. Et dans ce sens, la couverture des débats autour du Patriot Employer Act que fait Andréanne Martel dans ces pages ne peut que nous éclairer sur ces nouveaux enjeux et nous aider à comprendre pourquoi l’avenir des règles du commerce se joue, certes, à l’OMC, mais aussi et peut-être avant tout aux États-Unis.
Christian Deblock