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Notes de recherche

LA BATAILLE AUTOUR DES « EXCEPTIONS » DE LA LOI SUR LE DROIT D’AUTEUR CANADIEN : LA PROPRIÉTÉ DES ŒUVRES AU DÉFI DU FAIR USE, DES VALEURS ENTREPRENEURIALES ET DE NOUVELLES FORMES D’EXPERTISE

Note préparée par Jérôme Pacouret
Sous la direction de Michèle Rioux (LATICCE) et Nathalie Blais (SCFP)


Introduction
En 2018, les « exceptions » au droit d’auteur étaient au cœur du processus d’examen de la loi sur le droit d’auteur par les comités de l’industrie et du patrimoine de la Chambre des communes du Canada1. Ces « exceptions » sont des règles du droit d’auteur permettant la reproduction et la diffusion des œuvres sans autorisation et/ou rémunération de leurs propriétaires (les auteurs, leurs héritiers et les entreprises auxquelles ils cèdent leurs droits). Comme le droit d’auteur dans son ensemble, ces dispositions régulent les relations entre les auteurs, le public, et les différents acteurs de la chaine de production et de diffusion des œuvres, qui comptent les sociétés de production et de distribution, les bibliothèques, ou encore les plateformes numériques. Les finalités de ces règles sont très variées. Certaines d’entre elles facilitent la création d’œuvres basées sur des œuvres existantes, comme des parodies, des satires et des mashups. D’autres accordent des droits aux bibliothèques et aux établissements d’enseignement afin de favoriser la conservation, l’accessibilité, et les usages pédagogiques des œuvres. Les exceptions au droit d’auteur servent enfin des finalités économiques et techniques, comme le développement des services réseau et l’interopérabilité des programmes informatiques.

Toujours comme le droit d’auteur dans son ensemble, ses « exceptions » régulent des intérêts contradictoires. Auprès du comité de l’industrie et du comité du patrimoine, ces règles opposaient récemment deux larges coalitions d’entreprises, d’organisations professionnelles et d’experts. Le premier camp réunit principalement des représentants des auteurs et des entreprises des différents marchés culturels régulés par le droit d’auteur – comme ceux réunis au sein de la Coalition pour la culture et les médias, pour laquelle ce texte a été préparé. Ces organisations s’opposent à la multiplication des exceptions et prônent la suppression ou le resserrement des conditions d’application de certaines d’entre elles. Si leurs principales préoccupations concernent les revenus des auteurs et des entreprises culturelles, ce camp s’engage aussi pour des raisons non économiques. L’une d’elles est la préservation des « droits moraux » des auteurs, qui comprend leur droit de veiller à l’intégrité de leurs créations.

L’autre camp réunit lui aussi un large ensemble de professionnels et d’organisations, qui prônent la préservation des exceptions existantes, l’assouplissement de leurs conditions, et/ou la création d’exceptions s’appliquant à des activités nouvelles. Il s’agit d’abord d’organisation du secteur de l’éducation, qui représentent les universités, les établissements d’enseignement, les bibliothèques, les étudiants, les enseignants, les chercheurs, les bibliothécaires et d’autres professionnels. Leurs revendications convergent avec celles des grandes entreprises du secteur numérique, qui plaident elles aussi, à l’échelle globale, pour la préservation ou l’élargissement des exceptions. Comme leurs opposants, ces acteurs défendent à la fois leurs intérêts économiques et des intérêts d’ordre culturel, comme un accès plus aisé et moins couteux aux œuvres à des fins d’éducation, de recherche et de création.

En 2018, ces acteurs se sont surtout opposés au sujet de l’article 29 de la loi sur le droit d’auteur, qui dispose que « l’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins d’étude privée, de recherche, d’éducation, de parodie et de satire ne constitue pas une violation du droit d’auteur ». Codifiée dès 1921 au service de la recherche et de l’étude privée, l’« utilisation équitable » a été élargie à l’éducation en 2012. Des établissements d’enseignement s’appuyèrent sur cette nouvelle règle pour ne plus verser de redevances aux ayants droit pour la reproduction des œuvres. Cette exception oppose non seulement les deux camps déjà présentés, mais aussi les experts du droit, de l’économie et d’autres disciplines.

Ce texte examine des dimensions de la bataille autour des exceptions canadiennes qui sont révélatrices de transformations plus générales du droit d’auteur, de ses justifications et des luttes dont il est l’objet.

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