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Bonnie Campbell

Un mot de la Directrice - Présentation de Bonnie Campbell au lancement officiel du CIRDIS

1er novembre 2011

À propos du CIRDIS - Un mot de la Directrice

Bonnie Campbell lors du lancement le 1er novembre 2011

Pourquoi un Centre de recherche en développement international et société ?

Dans un contexte de complexification des enjeux qui relèvent du développement international, incluant la multiplication des nouveaux objectifs assignés aux politiques dites de développement (urgence, sécurité, défense, humanitaire), du nombre d’acteurs (privés et publics) et de leurs relations, le danger est réel que l’on passe à côté de l’essentiel.

Un exemple :
En août de cette année un rapport de l’OCDE identifiait l’Afrique de l’Est comme théâtre de graves crises alimentaires – crises récurrentes et complexes incluant des régions importantes du Kenya . En 2010, c’est en Afrique de l’Ouest (Niger, Tchad, Burkina Faso) que les populations furent gravement touchées par des famines.

Par ailleurs, un rapport de 2008 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies confirmait que nous produisons de quoi nourrir 12 milliards de personnes, c’est-à-dire puisque nous sommes maintenant 7 milliards, presque deux fois la population mondiale actuelle. Les incidences de l’insécurité alimentaire ne sont donc pas avant tout causées par une insuffisance de notre capacité de produire mais plutôt par des causes structurelles : une production vivrière structurellement insuffisante dans certaines régions à cause, entre autres raisons, du manque d’accès de la part de certaines populations à des droits - à des moyens – et un manque de pouvoir, notamment pour avoir l’accès à la terre et à la nourriture disponible. En parallèle à ces famines récurrentes, nous faisons face à des processus sans précédents et à très grande échelle, d’accaparement des terres.
Dans un tel contexte quel rôle peut bien jouer l’aide internationale ?
L’urgence humanitaire apaise certes les blessures les plus brûlantes mais elle ne soigne pas les causes - elle ne les vise pas. Même si elle est nécessaire et vitale à certains moments bien précis, elle ne doit pas être perçue comme la solution à la crise. Les solutions durables ne viendront pas de l’extérieur mais des acteurs de la région concernée.

Non seulement l’aide n’est pas la solution aux crises alimentaires récurrentes, elle peut devenir un facteur aggravant dans la mesure où le déversement des surplus d’aide alimentaire au mauvais moment perturbe les marchés locaux et n’incite pas à l’investissement durable dans la production alimentaire locale. De plus, l’aide peut aussi servir à masquer des rapports asymétriques de pouvoir qui sont à l’origine des crises, tout en contribuant à les perpétuer –et en laissant penser au public des pays du Nord comme du Sud que les solutions viendront du Nord et de la charité des pays du Nord.

Les enjeux de l’aide alimentaire mettent en évidence sous un angle précis et de manière métaphorique toute l’ambiguïté de la tentative de prise en charge et de définition des stratégies par des acteurs externes dans d’autres types de situations comme par exemple, les situations post conflit ou de catastrophes naturelles – où se mêlent souvent des logiques d’intervention d’urgence humanitaire/de reconstruction/ de développement et où il devient très difficile de rendre lisibles les stratégies des acteurs, tout comme la démarcation des responsabilités – On est en droit de s’interroger sur la durabilité des solutions qui en résulteront…

Du côté de la recherche, les orientations des travaux dans ce domaine semblent de plus en plus passer sous silence l’histoire, les causes structurelles, les dynamiques sociales et les mouvements sociaux internes qui animent et sont les sujets des sociétés en question, et plutôt privilégier la segmentation des approches et des expertises- favoriser l’adoption de perspectives du court terme et une emphase prépondérante sur la gestion de processus, au détriment d’une réflexion sur les origines des problèmes et les finalités des stratégies : comment les objectifs des mesures et des politiques sont-ils définis ? Par qui ? Pour qui ?

Il existe cependant dans bon nombre de départements ici à l’UQAM, ainsi que dans d’autres universités, des chercheurs qui abordent ces enjeux dans une perspective décloisonnée, qui refusent les carcans disciplinaires et font appel à différents domaines de connaissance, comme par exemple en abordant la question de l’accès à la terre et les enjeux de la souveraineté alimentaire comme intimement inter reliés, domaines qui posent à leur tour les enjeux de migrations, de régimes fonciers, de régimes juridiques, des arbitrages et choix de mise en valeur des ressources et du territoire et des rapports de pouvoir qui les sous-tendent.

Ces enjeux sont évidemment inséparables. Et pourtant, les lieux qui permettent de briser ce cloisonnement et de faire dialoguer les champs de connaissance font défaut.

Le CIRDIS se propose de répondre à ce vide en créant une plateforme d’excellence de la recherche basée à l’UQAM, non pas pour concurrencer l’existant mais pour créer un lieu de dialogue – un carrefour de rencontre où les expertises qui existent ici et ailleurs puissent s’enrichir et à leur tour être nourries par les travaux complémentaires venant d’autres horizons. Ainsi le CIRDIS vise à contribuer à l’approfondissement et au décloisonnement des connaissances et au renouvellement des approches sur les logiques et stratégies d’intervention (jeux des acteurs, rôles des institutions) et leurs impacts (économiques, politiques, environnementaux, sociaux et sur les droits humains). Pour ce faire, le Centre repose sur certaines valeurs qui unissent les chercheurs avec leur communauté environnante - valeurs de partage plutôt que de compétition, de valorisation des savoirs des individus et groupes avec qui nous travaillons, de respect des droits, et de solidarité.

Ce lieu peut être vu comme se situant dans la continuité, le renforcement, la floraison des dynamiques de recherche permises par la Chaire C-A Poissant 2006-2011, ce qui me donne l’occasion d’exprimer notre grande reconnaissance à notre donateur, le regretté Monsieur. Charles-Albert Poissant dont l’initiative et la générosité seront soulignées par une bourse octroyée par le CIRDIS en 2012-2013.
Notre nouveau Centre se veut un carrefour de recherche, de réflexion, d’échange et de diffusion de la recherche sur les enjeux liés au développement international abordés à partir d’une approche interdisciplinaire. Nos activités sont regroupées en cinq axes :

Deux axes de recherche dans des domaines d’intervention, dont le premier :
L’axe coopération internationale regroupe le professeur Dominique Caouette (Directeur du Centre d’études de l’Asie de l’Est de l’Université de Montréal) et responsable de cet axe, la professeure Arpi Hamalian (Faculté d’éducation, Université Concordia), Valéry Ridde (Département de médecine sociale et préventive, Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal), Angel Saldomando (économiste, chercheur au Centre de recherche sur la communication CINCO au Nicaragua et membre de l’Observatoire sur la démocratie et la gouvernance en Amérique Centrale), ainsi que Gabriel Goyette, coordonnateur de cet axe.

La création de l’Observatoire sur la coopération internationale permettra au CIRDIS d’opérer une veille des activités des acteurs du régime de l’aide perpétuant ainsi le travail de la Chaire C-A Poissant dans ce domaine.

Le deuxième axe porte sur mise en valeur des ressources naturelles et regroupe deux pôles de recherche complémentaires, l’un sur le secteur minier et l’autre sur le tourisme durable.

Outre l’équipe du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA) qui existe depuis 1998 et que je dirige, l’axe mise en valeur des ressources naturelles associe également les professeurs Yann Roche (géographe), responsable du pôle sur le tourisme durable, ainsi que Louis Jolin, Bruno Sarrasin (tous deux au Département d’Études urbaines et touristiques), Stéphane Bernard (géographe), et Arpi Hamalian qui travaille entre autres sur les questions de femmes, santé et l’accès à l’eau.

Le CIRDIS regroupe aussi trois axes qui touchent des domaines thématiques transversaux de recherche :
Premièrement, l’axe Gouvernance dont la responsable est la professeure Caroline Patsias (politologue) à laquelle se joignent Louis Jolin, Bernard Duhaime (membre associé et professeur en sciences juridiques) Marie-Nathalie LeBlanc, Philippe Leroux-Martin, (Fellow à la Belfer Center for Science and International Affairs, Harvard Kennedy School of Government, Harvard University), Angel Saldomando, et Valéry Ridde.

Deuxièmement l’axe mouvements sociaux et société civile dont la responsable est la professeure Marie-Nathalie LeBlanc (anthropologue de formation et professeure en sociologie) à laquelle se joignent les professeurs Anne Latendresse, et Yann Roche (géographie), le professeur Issiaka Mandé (historien de formation et professeur en science politique) et de la professeure Arpi Hamalian (science de l’éducation).

Le troisième axe transversal est l’axe droits humains qui associe les professeurs Bernard Duhaime (science juridiques, UQAM), mais qui occupe présentement grâce à une Bourse Fulbright, la Visiting Research Chair in Public Diplomacy de University of Southern California, Philippe Leroux-Martin avocat, Fellow à Harvard University, et la professeure Marie-Christine Doran (science politique, Université d’Ottawa).

Cette équipe regroupe des chercheurs provenant de 9 disciplines et de 5 universités.

Une description du programme de travail de chaque axe est présentée sur ce site qui inclut également les conférences à venir, les publications et une foule d’autres informations que nous vous invitons à parcourir.

Le positionnement du CIRDIS
Outre le fait qu’il s’agit du premier centre francophone interdisciplinaire et interuniversitaire en développement international au Québec, une autre dimension qui fait l’originalité du CIRDIS est son positionnement. Notre Centre privilégie le croisement des regards afin de faire dialoguer des chercheurs avec des acteurs du terrain ainsi que des décideurs.

Nos travaux passés ont été repris dans de nombreux domaines d’intervention, contribué aux débats et alimenté les processus politiques au Canada et à l’international (la CNUCED, la Commission Économique pour l’Afrique, des gouvernements de pays du sud). Surtout nous travaillons de manière étroite avec des acteurs de la société civile, acteurs du terrain dont l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) et le Conseil canadien de coopération internationale (CCCI). À cet égard, c’est avec beaucoup de fierté que pour le lancement du CIRDIS nous nous sommes associé, au lancement des Journées internationales de solidarité de l’AQOCI.

Le travail du CIRDIS est chapeauté par un Comité scientifique qui reflète bien notre positionnement et où siègent des représentants de différents milieux – académique dont la professeure Lucie Lamarche (titulaire de la Chaire Gordon F.Henderson, Faculté de Droit, Université d’Ottawa), des organismes de diffusion des connaissances, Molly Kane (Pambazuka Press), Brian Tomlinson (ancien analyste sénior au Conseil canadien de la coopération internationale), et une autre chercheure de renommée internationale, Dr Meredeth Turshen (professeure au Edward J. Bloustein School of Planning and Public Policy, Rutgers University).

Le CIRDIS s’insère dans de vastes réseaux de chercheurs trop nombreux pour les nommer – en Afrique, Amérique latine, Asie et en Europe. La présence de M. Angel Saldomando du Chili – qui collabore à nos travaux sur la gouvernance et la coopération internationale en est la preuve.

Les équipes du CIRDIS bénéficient actuellement de subventions de recherche provenant de plusieurs organismes dont le CRSH, le FQRSC et le Centre de recherches pour le développement international (CRDI). Nous tenons à remercier tout particulièrement et vivement le CRDI pour la confiance qu’il nous a accordée dans la poursuite de nos travaux sur la mise en valeur des ressources minières en Afrique, travaux qui alimentent à présent les processus de décision au niveau de la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies et dans plusieurs pays africains dont le Ghana.

Le CIRDIS bénéficie d’un appui institutionnel de l’UQAM. Nous tenons à remercier le Vice-recteur à la recherche et à la création, M. Yves Maufette, et le Service de la recherche et de la création de l’UQAM pour leurs appuis sans lesquels cette initiative n’aurait pas vu le jour.

Et surtout il faut souligner le rôle incontournable de la remarquable équipe avec laquelle j’ai le privilège de travailler depuis plus de longues années composée de Suzie Boulanger, Myriam Laforce, Gabriel Goyette et Élodie Rousselle.

En conclusion, le Centre représente une magnifique occasion permettant le décloisonnement et le renouvellement des approches dans un domaine trop souvent marqué par des perspectives très technicistes, de court terme et qui négligent les apports et savoirs des acteurs concernés – celui du développement international. C’est donc avec conviction, avec tête mais aussi avec cœur que l’équipe des chercheurs réunie dans ce Centre se lance maintenant au travail.