Présenté dès le départ comme un projet qui contribuerait à réduire la pauvreté au Tchad et mis en service depuis octobre 2003, soit 1 an avant la date prévue, le projet pipeline Tchad-Cameroun représente actuellement le plus gros investissement privé en Afrique subsaharienne avec un coût estimé à 3.7 milliards de dollars et revu à la hausse à 4.2 milliards USD à la suite des derniers montants donnés par Esso en 2004. Ce projet a été co-financé par trois multinationales pétrolières (ExxonMobil, Pétronas et Chevron) , le Groupe de la Banque mondiale (GBM) qui a accordé des prêts aux gouvernements camerounais et tchadien pour leur participation, les agences de crédits à l’exploitation et d’autres investisseurs.
La Banque mondiale (BM) a justifié sa participation en mettant de l’avant le potentiel de réduction de la pauvreté que contenait le projet pour les deux pays et surtout pour le Tchad. Or, cette décision va à l’encontre du point de vue de la Revue des Industries Extractives (RIE), mis en place par la Banque en 2000 dont le rapport a été soumis en 2004, qui estime qu’elle ne doit pas appuyer des projets dans des zones où la gouvernance est faible. Au-delà de cette position, la participation de la BM montre d’une part, que le développement des pays pauvres, comme le Tchad, qui reçoivent une APD faible, n’est maintenant possible que par l’exploitation de leurs ressources naturelles via le secteur privé, et d’autre part, que les investissements injectés dans les industries extractives, pétrolières dans ce cas de figure, seraient une réponse incontournable à leurs problèmes de pauvreté.
Toutefois, la BM a soumis sa participation à condition que le Tchad, pays connu pour sa longue guerre civile, son instabilité politique chronique et ses perpétuelles violations des droits de l’homme, fasse voter une loi de gestion de revenus en 1999. Mais, celle-ci a par la suite été remise en cause par le Tchad, qui en la modifiant en décembre 2005, renonçait par la même occasion à ses obligations envers les bailleurs de fonds. Cette modification a donc provoqué des tensions avec la BM qui, dans un premier temps, a gelé ses revenus pétroliers mais finalement, a signé un protocole d’accord avec le gouvernement en Juillet 2006. Tout ceci nous amène donc, à nous demander dans quelle mesure ce pipeline contribuera au développement du Tchad ?
Le texte suivant aura ainsi pour but de fournir des éléments de réponse. Il s’agira tout d’abord, de présenter le projet en général, ensuite d’analyser les conditions découlant des négociations entre les différents partenaires, enfin d’évaluer la gestion des ressources et leur impact sur l’économie tchadienne.