L’Encyclopédie suprême
Si on a raison de voir dans le temps des Lumières celui de « l’apothéose de l’encyclopédisme », tout un chacun poursuivant cet idéal de possession totale et de diffusion universelle des connaissances pour comprendre rationnellement les lois de la nature, alors on peut qualifier « d’Encyclopédie suprême » l’entreprise gigantesque de l’éditeur Charles-Joseph Panckoucke, qui l’occupera jusqu’à la fin de sa vie, lui coûtant selon les termes de sa fille qui, prenant le relais de son père, la complète au bout de cinquante années, « sa fortune, sa santé et sa vie ».
La Méthodique (1782-1832), qui compte plus de 200 volumes répartis en 52 Dictionnaires, entend, en effet, être l’encyclopédie absolue. Comme le déclare le Prospectus, elle devrait « tenir lieu dans les cabinets des Savants et des Amateurs peu riches, d’une multitude d’autres livres dont l’acquisition partielle leur coûterait le centuple de cette Encyclopédie méthodique ». La devise commerciale de la nouvelle Encyclopédie qui veut constituer la « Bibliothèque complète et universelle de toutes les connaissances humaines » et dont l’usage serait journalier, résume bien son triple objectif éditorial : « texte excellent, belle édition et bon marché ».
Panckoucke veut doter la Méthodique, « l’entreprise la plus vaste du dix-huitième siècle », de caractères distinctifs par rapport à l’Encyclopédie de Diderot : tout d’abord, elle s’ouvre à des domaines jusqu’ici négligés (police, jeux, par exemple). L’organisation des connaissances, ensuite, est différente : chaque discipline ou matière est traitée entièrement à l’intérieur d’un seul Dictionnaire pendant que les articles le composant sont répartis par ordre alphabétique, l’Encyclopédie elle-même réunissant la collection des Dictionnaires et donnant son unité à l’entreprise ; un Vocabulaire universel – qui ne fut jamais rédigé – devait servir de table d’orientation de lecture des Dictionnaires et, en même temps, d’index ou de « catalogue raisonné » des termes apparaissant dans tous les différents volumes. Enfin les auteurs, directeurs éditoriaux des Dictionnaires, sont des spécialistes, certes, mais choisis non pas tant pour le radicalisme de leurs vues ou leurs capacités de généralistes, mais pour leurs qualités de praticiens ou d’experts.