Dans son séminaire « Hostilité/hospitalité » donné en 1995-1996 et en 1996-1997, Jacques Derrida a multiplié les analyses de ce concept énigmatique. Se déplaçant de l’hospitalité universelle promue par Kant et les Lumières à l’Antiquité grecque, il s’est ensuite penché sur l’hospitalité abrahamique. Son analyse de la Genèse l’a conduit à relire la pensée de Levinas, pour proposer ensuite un nouveau déplacement : allant à la rencontre de l’hospitalité islamique, il engage un dialogue avec la pensée de Louis Massignon, qu’il relit à travers celle de Levinas. C’est au coeur de cette rencontre que Derrida associe, de manière essentielle, l’hospitalité et la substitution, dont Massignon avait fait le coeur de son approche de « l’hospitalité sacrée ». L’héritage abrahamique de l’islam se trouve ainsi rapproché de la tradition juive et chrétienne. Ce n’est pas le moindre mérite de cet important séminaire que de rappeler la haute figure de Massignon et de restituer pour le présent un idéal d’hospitalité inconditionnelle que Derrida n’a jamais cessé de promouvoir.
Georges Leroux est professeur émérite au Département de philosophie de l’Université du Québec à Montréal et membre de l’Académie des lettres du Québec. Il est d’abord connu comme helléniste et traducteur (Platon, La République, Flammarion, 2002), mais aussi par ses essais sur la musique. Parmi ses publications récentes, notons l’anthologie qu’il a coéditée avec Nathalie Fortin des écrits de Thierry Hentsch, Orient-Occident : écrits politiques dispersés (Les Presses de l’Université de Montréal, 2019) et la nouvelle édition, préparée en collaboration avec Philippe Despoix, de l’oeuvre de Raymond Klibansky, Erwin Panofsky et Fritz Saxl, Saturn and Melancholy : Studies in the History of Natural Philosophy, Religion, and Art (McGill-Queen’s University Press, 2019).
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