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Eau et développement : Quand l’accès à l’eau devient un enjeu de gouvernance au Sénégal

Moussa Diop - Jeudi 9 février - 12h30 à 14h

Par Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et société (CIRDIS)

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La gourvenance de l’eau au Sénégal, un enjeu politique
Entrevue radiophonique de Moussa Diop, post-doctorant du CIRDIS et Djibril Diop, Université de Montréal à l’émission Tam-Tam international à Radio-Canada.

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Jeudi 9 février 2012 –12h30 - 14h
Local A-1715, pavillon Hubert-Aquin, 400 rue Sainte-Catherine Est, Métro Berri-UQAM

Eau et développement : Quand l’accès à l’eau devient un enjeu de gouvernance au Sénégal

Au Nord comme au Sud, l’actualité de la problématique eau ne se dément plus, même si, les problèmes ici et là, ne revêtent guère la même acuité pour les populations, leur santé et leur environnement (Bouguerra, 2010) :
  rupture d’un barrage en Syrie qui a englouti villages et récoltes le 4 juin 2002 ;
  mauvais entretien d’un barrage en Inde sur le fleuve Kosi entraînant l’inondation de 1000 villages et la destruction de 200 000 habitations en août 2008 ;
  morts pour l’eau à Karachi ; à Cochabamba en Bolivie ;
  arme de l’eau utilisée sans ménagement par Israël contre les Palestiniens,
  arsenic dans l’eau tuant à petit feu la moitié des habitants du Bangladesh ;
  émeutes pour l’eau dans de nombreux États de l’Union indienne : au Gujarat, Andra Pradesh, Delhi, Orissa, Karnataka et Uttar Pradesh ;
  sécheresse prolongée en Tunisie qui pousse les agriculteurs à voler voire à assassiner pour irriguer leurs lopins de terre ;
  situation explosive en Egypte où des émeutes pour l’eau ont eu lieu en juin 2007, émeutes aussi en Algérie où le manque d’eau est devenu un véritable problème d’ordre public,
  Conflit sur le Fleuve Sénégal entre la Mauritanie et le Sénégal
Au nord aussi, des problèmes existent : avertissement de la Société américaine de microbiologie quant à la qualité des eaux potables aux États-Unis et en Europe Occidentale ; 36 états américains font face à des manques graves d’eau et plusieurs sont au bord de la crise ; les problèmes de contamination se multiplient au Canada surtout en raison du nombre croissant de composés toxiques utilisés dans l’industrie et l’agriculture ; en Californie, des villes comme Los Angeles ou San Diego rivalisent pour acheter des droits de l’eau aux fermiers. Pour ne rien dire des inondations catastrophiques à la Nouvelle Orléans (Ouragan Katarina), au Texas en septembre 2008, où l’ouragan Ike a dévasté Houston.

De fait, partout dans le monde l’eau est un révélateur de choix des tensions et des modes de gestion des ressources naturelles par les sociétés humaines.

L’Afrique, avec près de 340 millions de personnes (environ 42% de sa population) sans accès à l’eau potable, enregistre les taux de couverture les plus faibles. Pour les Objectifs du Millénaire (OMD), il y a là un défi majeur à relever. En Afrique sub-saharienne, une personne sur deux ne possède pas cet accès à l’eau et doit, le plus souvent, recourir à des ressources alternatives.
Et si le Sénégal ne figure pas sur la carte des pays que la rareté de l’eau, clé du développement durable, frappera en 2025, paradoxalement, la pénurie y sévit déjà.

L’objet de cette conférence qui s’appuie sur un travail de recherche comparative, mené dans deux villages (Mbane et Gaé) à Saint-Louis, au Nord du Sénégal. Il s’inscrit dans le cadre général des effets de la crise de l’eau dans les pays en développement, en pointant les risques sanitaires liés à l’ingestion d’eau non potable sur fonds de croissance démographique. Alors que les installations d’eau potable existent, il s’agit d’apporter des éléments de compréhension à la persistance de certaines maladies en interrogeant le système de gouvernance du service public de l’eau. En effet, il ne suffit pas d’implanter des installations d’eau potable, d’instaurer un mode de gestion calqué sur une vision technico-économique pour que les populations qui devraient y avoir accès se comportent comme prévu. Toutes sortes de pressions socio-politiques, économiques et culturelles viennent entraver l’accessibilité à l’eau potable, tandis que les réseaux sociaux se complexifient et croisent différentes stratégies propres aux acteurs locaux. Ces enjeux que perçoivent mal les gestionnaires de l’eau et qui mettent à mal les efforts des acteurs du développement, constituent un apport essentiel à la réflexion dans ce domaine. Ces communautés villageoises, réceptrices des innovations, loin d’être figées comme on les présente souvent, sont traversées par des inter-rétroactions innombrables, des incertitudes et des contradictions qui font que, dans la gestion quotidienne du service de l’eau, les règles sont toujours le fruit de bien des négociations.

Les cas présentés peuvent être analysés à un double niveau : un niveau socio-anthropologique qui montre les tensions entre des réseaux sociaux existants et une rationalité externe, et un niveau socio-politique qui révèle le conflit entre un système politique local qui a déjà distribué les rôles et leur hiérarchie et l’arrivée des bornes d’eau potable qui appelle une autre répartition fondée, cette fois, sur des compétences nouvelles. A cela, s’ajoutent toutes les tensions qui peuvent exister dans tout contexte où s’affrontent public et privé autour de l’utilisation de ressources limitées.

Dans cette communication qui privilégie de bout en bout une approche reconnaissant le pluralisme des normes, la diversité des acteurs et l’hétérogénéité des logiques sociales en présence, la gouvernance locale de l’eau sera intégrée dans l’univers social et politique villageois, et plus largement sénégalais, avec ses pratiques clientélistes, ses manœuvres électorales et ses stratégies de pouvoir. Une telle démarche, vise à montrer qu’il ne suffit pas, contrairement aux OMD et à certains discours simplistes, de financer des infrastructures pour que l’accès à l’eau potable soit acquis. La disponibilité physique des infrastructures hydrauliques ne signifie pas que la question de l’accès à l’eau potable soit résolue.

En conclusion, sur une question aussi majeure que celle de l’accessibilité à l’eau potable, cette recherche montre comment le Sénégal connaît finalement les mêmes évolutions que dans un pays développé : un Etat qui se désengage et transfère sa responsabilité aux niveaux locaux ou au privé. Plus globalement, notre objectif est d’interroger les écueils d’un développement, sans cesse, rattrapé par un fort décalage avec des pratiques locales souvent méconnues ou ignorées par les gestionnaires des programmes d’aide, les techniciens et les responsables politiques. En fin de compte, cette organisation de l’accès à l’eau potable, axe majeur du développement, prouve, encore une fois de plus, que « l’eau raconte aussi la société » (Georges MUTIN, 2000).

Moussa DIOP est docteur en sociologie à l’Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales (IRISSO – Université Paris-IX Dauphine) et chercheur associé à la Maison du Fleuve Sénégal – Université Gaston Berger de Saint-Louis. Ses travaux sont orientés sur l’approche pluridisciplinaire de l’eau et du risque à un double niveau : socio-anthropologique et socio-politique. Après avoir enseigné à l’Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar (2008-2011), il est actuellement post-doctorant au sein du CIRDIS.

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