1. Mise en perspective
Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire est de plus en plus au coeur de l’actualité, notamment à la suite de la crise de 2008. Il n’est plus question seulement d’entreprises exemplaires ou encore de politiques sectorielles visant trop souvent son instrumentalisation mais de plus en plus d’écosystème où les pouvoirs publics soutiennent l’économie sociale et solidaire de manière transversale en raison de ses caractéristiques propres (et dans une certaine mesure pour elle-même). De tels écosystème supposent la reconnaissance de la pertinence de l’économie sociale et solidaire (ou de ses variantes telle l’entreprise sociale), pour répondre aux grands enjeux sociétaux, mais aussi la mise en place d’outils de développement relativement spécifiques dans les domaines du financement, des services à ce type d’entreprise, de la formation et de la recherche. De plus, la plupart de ces écosystèmes incluent également d’autres acteurs et institutions qu’il s’agisse des universités, des fondations, parfois des syndicats et même certaines entreprises privées (pour le meilleur ou le pire). Ces écosystèmes existent, au moins en situation d’émergence, dans la plupart des pays et des régions où l’économie sociale et solidaire occupe une place significative.
Comme contexte immédiat, indiquons que la génération de l’économie sociale et solidaire, qui a émergé à partir des années 1980, est arrivée à maturité dans bien des cas alors que les générations encore plus récentes se sont ouvertes davantage à l’écologie et à la responsabilité sociale, par exemple. On peut aussi se demander si cette génération plus récente suppose ou non des changements en profondeur dans l’écosystème de l’économie sociale. Dans cette perspective, la crise de 2008 n’exige-t-elle pas de prendre encore plus au sérieux l’économie sociale et solidaire ? L’année 2013 semble bien aller dans cette direction, du moins en terme de reconnaissance.Ainsi, au cours de l’année dernière, l’Institut de recherche en développement social des Nations-Unis a mis en oeuvre un Chantier inter-agence sur l’économie sociale et solidaire (United Nations Inter-Agency Task Force on the Social and Solidarity Economy) qui regroupe quatorze agences de l’ONU, y compris les agences en alimentation, travail, environnement, de la santé, agriculture, femmes. Cette structure transversale aux divers départements représente une reconnaissance d’une économie sociale et solidaire se déployant dans tous les secteurs économiques et sociaux. Cet engagement avait été précédé par des recommandations du Service de liaison des ONG des Nations unis (SLNG) d’inclure l’économie sociale et solidaire dans les objectifs de développement durable après 2015. Au cours de l’année 2013, relevons également le fait que plusieurs pays dans diverses régions du monde (Europe, Amérique latine, Québec) ont adopté des lois-cadres de l’économie sociale et solidaire ou sont sur le point de le faire, confirmant non seulement la reconnaissance de cette économie mais aussi leur volonté de la soutenir davantage. L’Union européenne reconnait également la capacité de l’économie sociale et solidaire à répondre aux défis sociétaux et s’engage en même temps à soutenir le développement des « entreprises sociales » qui s’inscrivent dans l’histoire de l’économie sociale européenne. Enfin, toujours en 2013, un Forum mondial sur l’économie sociale s’est tenu en Corée qui regroupait des représentants de nombreuses villes de quatre continents (Asie, Australie, Amérique du nord et Europe). Ces quelques évènements très récents ne révèle-t-il pas une volonté des pouvoirs publics de soutenir la formation d’écosystème que les acteurs de l’économie sociale et solidaire ont déjà contribué à faire émerger ?
2. Thématique du numéro
Dans ce numéro de la revue Intervention économique qui porte sur « L’économie sociale et solidaire, quelle contribution pour l’avenir des sociétés et de leur économie ? », nous recherchons des contributions portant des études de cas dans un pays ou dans une région ou plus largement encore sur un continent ou un groupe de pays. Les contributions peuvent être à dominante empirique (résultats et discussion) ou à dominante théorique (de nature plus conceptuelle, à partir des concepts et approches relatives à la thématique). Enfin, les descriptions des écosystèmes de l’économie sociale et solidaire seront bienvenues dans la mesure où elles sauront en faire une analyse non complaisante.
Quatre thèmes seront couverts.
En premier lieu, les dimensions conceptuelles concernant les écosystèmes en liaison avec l’économie sociale et solidaire. Cette notion et ses dérivés s’imposent au moins pour deux raisons : celle de l’internalisation de l’environnement nécessaire pour le développement de l’économie sociale et solidaire et celle de la nécessité d’établir des interrelations entre les entreprises d’économie sociale et solidaire pour relever des défis qu’aucune entreprise isolée ne peut atteindre tels celui du développement durable. Sur le terrain, certains parlent d’écosystème d’économie sociale et solidaire ou encore de système national ou régional d’innovation sociale, d’autres plus concrètement d’incubateurs, de réseaux, de districts, de pôles territoriaux d’économie sociale et solidaire, etc. En liaison avec les notions précédentes, il peut être intéressant d’identifier les diverses appellations des principales composantes relevant de l’écosystème existant ou en formation (ex. économie sociale avec ses composantes - coopératives, mutuelles et associations - , économie solidaire, économie sociale et solidaire, entreprises sociales, social business, etc.). Enfin, jusqu’où ou à quelle condition l’écosystème de l’économie sociale inclut-il des entités qui relèvent du secteur public et du secteur privé ?
En deuxième lieu, celui des acteurs qui influent sur la formation des écosystèmes, notamment la place des regroupements sectoriels et intersectoriels d’entreprises relevant l’économie sociale. Dans la réalité contrastée des divers pays, la place des acteurs de l’économie sociale et solidaire dans ces écosystèmes peut être relativement prédominante ou au contraire complètement sous influence d’instances politiques ou même de grandes fondations privées, y compris d’influences externes. Enfin, si la plupart de ces écosystèmes existent à l’échelle d’un pays ou d’une région, ne peuvent-ils pas exister également à l’échelle d’un continent ou d’un groupe de pays pour des raisons aussi bien économiques et politiques qu’historiques ou culturelles ?
En troisième lieu, il est aussi important de bien identifier les éléments qui constituent l’écosystème de l’économie sociale et solidaire. Les formes de reconnaissance sont souvent un préalable mais elles évoluent aussi dans le temps. Plus explicitement, il serait intéressant d’identifier les outils et les dispositifs socio-techniques mis en place pour assurer le développement de l’économie sociale de même que les formes de gouvernance qui assurent les interdépendances entre ces outils et les entreprises d’économie sociale et solidaire. De plus, si l’on parle d’écosystème de l’économie sociale et solidaire, c’est pour dire également qu’on y retrouve aussi des acteurs et des soutiens qui sont en périphérie de l’économie sociale et solidaire comme c’est le cas dans le domaine non marchand des universités, des syndicats et des fondations mais également dans le domaine marchand pour certains services et certains partenariats provenant du secteur public ou du secteur privé.
En quatrième lieu, il peut être pertinent d’identifier les termes des conflits et les controverses qui traversent l’écosystème de l’économie sociale et solidaire. L’analyse ici ne visent pas à s’intéresser aux conflits pour eux-mêmes mais pour dégager les enjeux et les visions concernant un développement orienté vers une transition en direction d’un autre modèle de développement ou vers une adaptation en douceur en direction d’un développement où la régulation marchande tendrait à devenir de plus en plus exclusive, avec des positions intermédiaires entre ces deux cas. D’où les questions suivantes. Est-ce que les nouvelles initiatives de l’économie sociale et solidaires renforcent le désengagement de l’État ou contribuent à la démocratisation de l’économie et des services aux personnes ? Est-ce que l’ESS est partie-prenante d’une mouvance vers une société écologique et solidaire rejoignant ainsi la mouvance pour une consommation responsable, une gestion collective des ressources, une meilleure qualité de vie, un bien-vivre ? Enfin, il s’agit aussi d’évaluer l’écosystème de l’économie sociale et solidaire à la fois comme potentiel de transformation sociale (qui peut être plus ou moins grand) et dans ses réalisations concrètes (même si ces dernières sont souvent modestes et encore plus souvent entravées). De ce point de vue, il sera intéressant d’expliquer l’existence de ces écarts.
3. Comité de rédaction
• Deblock, Christian, Université du Québec à Montréal :
• Benoît Lévesque, Université du Québec à Montréal
Marguerite Mendell, Concordia University
Marguerite.mendell@concordia.ca
• Tremblay, Diane-Gabrielle, Télé-Université :
tremblay.diane-gabrielle@teluq.ca
4. Modalités
Veuillez envoyer le résumé de votre proposition (1 page maximum) avant le 1er octobre 2014 à tremblay.diane-gabrielle@teluq.caet à deblock.christian@uqam.ca
Une fois la proposition acceptée (réponse 30 octobre), la version complète du texte sera à remettre pour le 15 janvier 2015.
Tous les textes reçus seront examinés par l’équipe de coordination du numéro puis envoyés à deux évaluateurs externes (évaluation à l’aveugle).
5. Protocole de rédaction
Les articles proposés au Comité de rédaction doivent être originaux, ne pas avoir été soumis ailleurs et ne pas avoir été publiés dans une autre langue. Les articles n’excèderont pas 25 pages (incluant tableaux, graphiques et bibliographie) à interligne et demi (ou 50 000 signes) et devront être accompagnés d’un court résumé d’une dizaine de lignes, en anglais et en français, et de cinq mots clé, en anglais et français également.
L’auteur fournira les renseignements suivants : son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son adresse électronique ainsi que son titre et son établissement de rattachement.
Les textes seront examinés de façon anonyme par deux lecteurs externes (ou trois s’il n’y a pas entente sur l’évaluation). Les articles soumis présenteront des résultats de recherche originaux et des qualités telles que la lisibilité et la pertinence par rapport à la problématique générale du numéro. Les articles publiés restent la propriété de la revue.
6. Présentation des articles
Les notes seront présentées en fin de texte et seront identifiées en chiffres arabes. La bibliographie complète doit être formulée comme suit :
Livre : Dostaler, Gilles et Michel Beaud (1996). La pensée économique depuis Keynes, Paris, éditions du Seuil, 444 pages.
Revue : Dutraive, Véronique (1993). La firme entre transaction et contrat : Williamson épigone ou dissident de la pensée institutionnaliste, Revue d’économie politique, vol. 103, n° 1, pp. 83-105
Article de livre : Élie, Bernard (1997). Contre l’apartheid économique : le combat politique, dans Juan-Luis Klein, Pierre-André Tremblay et Hugues Dionne (sous la direction de), Au-delà du néolibéralisme : quel rôle pour les mouvements sociaux ?, Études d’économie politique, vol. 13, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, pp. 179-186