La planète comme terrain de jeu
Martin Primeau, Collaboration spéciale, La Presse
La tendance est claire : depuis le début du millénaire, les entreprises québécoises délaissent progressivement les États-Unis pour se tourner vers d’autres marchés d’exportation. Voici le premier d’une grande série sur la mutation du commerce extérieur.
D’abord, ce fut la France et l’Empire britannique. Puis, à l’aube du XXe siècle, les États-Unis sont devenus le principal marché étranger pour le Québec.
Or, le portrait change au tournant de 2000. Mondialisation oblige, les exportations et les importations québécoises gagnent maintenant l’ensemble de la planète. Parmi les grands gagnants de cette transformation se trouvent trois pays du BRIC, la Chine en tête.
L’empire du Milieu occupe même, depuis 2010, le deuxième rang des pays où le Québec exporte le plus de produits et services. Un « grand bond en avant » de 372% entre 2003 et 2012.
Au cours de la même période, les exportations québécoises vers la Russie et le Brésil ont aussi grimpé en flèche, de 463% et 200% respectivement.
L’Oncle Sam
Cela dit, le marché américain demeure toujours, et de loin, la première destination pour les exportations québécoises. Mais son importance décroît. En 2003, pas moins de 83% des exportations étrangères allaient chez l’Oncle Sam. Neuf ans plus tard, elles avaient fondu à 68,5%.
La baisse des exportations vers les États-Unis, combinée à une hausse des importations québécoises, est une des raisons qui ont fait passer la balance commerciale du Québec d’un bilan positif à un déficit de 30 milliards de dollars en 10 ans.
« La situation a beaucoup changé, constate Christian Deblock, professeur d’économie politique internationale à l’UQAM. On vit avec un dollar canadien qui est plus fort, et les Américains se désintéressent peu à peu de l’Amérique pour se tourner vers l’Asie. » À son avis, la signature éventuelle d’un accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne stimulera les exportations québécoises. « Mais il faut qu’il soit signé", précise le professeur.
Les négociations traînent toutefois en longueur, et la petite taille du Canada n’incite pas à accélérer les choses, souligne M. Deblock. Cette situation pénalise, d’une certaine façon, le Québec, qui achemine en Europe plus que sa part des exportations canadiennes.
Les exportations
Le Québec a exporté pour 63,6 milliards de dollars de biens et de services en 2012. Un bon résultat ?
Peut-être pas. Dix ans plus tôt, ce chiffre s’élevait à 68,5 milliards. Au cours de la même période, le profil des marchés d’exportation de la province est passé du continent à l’ensemble de la planète. La part de ses exportations outre-mer a presque doublé, allant de 11,3 milliards en 2002 à 20,0 milliards en 2012.
Marchés d’exportation (2012)
> États-Unis : 43,5 milliards
Soit 68,5% de toutes les exportations étrangères du Québec l’an dernier. Une tendance à la baisse, car en 2001, elles comptaient pour 84,5%.
> Chine : 2,6 milliards
Surprise ! La Chine est, depuis 2010, le deuxième pays où les entreprises québécoises vendent le plus de biens et services. C’est quatre fois plus qu’en 2001. Une place modeste par rapport aux États-Unis, mais qui prend du galon chaque année.
> Europe de l’Ouest : 5,4 milliards
(Allemagne, Pays-Bas, France, Royaume-Uni)
Le Québec exporte davantage vers l’Europe que les autres provinces canadiennes. En 2012, de 32 à 42% des exportations canadiennes dirigées vers l’Allemagne, les Pays-Bas et la France provenaient du Québec. Pour l’Autriche, c’était même 58%.
> Moyen-Orient, 1,5 milliard
(pour une douzaine de pays)
Un des marchés les plus importants pour des entreprises québécoises. La province y exporte d’ailleurs, proportionnellement, plus de biens et services que les autres provinces canadiennes : 72% des exportations canadiennes à destination du Qatar, en 2012, provenaient du Québec. Pour l’Égypte, c’était 53,2%, alors que pour l’Arabie saoudite, la Turquie et le Liban, la proportion s’élevait à 20,9%, 32,7% et 62,1% respectivement.
> Japon : 1 milliard
> Mexique : 1 milliard
> Russie : 600 millions
La Russie est en voie de devenir l’un des marchés d’exportation les plus importants pour les entreprises du Québec. Depuis 2003, les exportations dirigées vers ce pays du BRIC ont grimpé de 465%.
> Brésil : 500 millions
Place aux industries du savoir
En plus des matières premières, la province mise sur les industries du savoir.
1. Aéronautique : 7,4 milliards
Moteurs et pièces
> Bombardier
> Pratt&Whitney Canada
> CAE
> Bell Helicopter, etc.
2. Aluminium : 5,5 milliards
> Rio Tinto Alcan
> Alcoa Canada
> Aluminerie Alouette, etc.
3. Métaux : 4,9 milliards
Autres que le fer et l’aluminium
Mines québécoises appartenant à :
> Agnico-Eagle
> Xstrata
> Iamgold, etc.
4. Pâtes et papiers : 4,3 milliards
Produits forestiers Résolu (anciennement AbitibiBowater), Cascades, Kruger, Tembec, Domtar, etc.
5. Fer : 3,2 milliards
Rio Tinto Fer et Titane, ArcelorMittal, Cliffs, etc.