Les sciences sociales ne sont pas destinées à décider de l’avenir, mais seulement à aider à la compréhension des faits sociaux observables. Cette compréhension sans cesse à réactualiser ne saurait dicter mais seulement éclairer les choix sociaux, lesquels sont toujours in fine des choix politiques gouvernés par des idéologies, des systèmes de valeurs non nécessairement ou totalement partagées, en tout cas hiérarchisées le plus souvent de façon différente par les divers acteurs en présence dans chaque société. En dernière instance donc, l’avenir appartient aux mouvements sociaux, aux résultats imprévisibles des luttes sociales qui sont la contrepartie du caractère inéluctablement conflictuel de la vie dans des sociétés structurées par des rapports de domination.
Les sciences sociales peuvent donc au mieux dresser un cadre théorique permettant de cerner les avenirs possibles ouverts par les évolutions passées et les situations présentes, en mobilisant les enseignements de l’histoire et l’état présent des théories sociales. Certaines évolutions paraissent réversibles, d’autres plus irréversibles car inscrites dans des trajectoires de long terme. Ce cadre « savant » ne doit pas préjuger des choix politiques des analystes, même s’il est parfois possible de discerner des évolutions plus probables que d’autres. En conséquence, on ne peut dire l’avenir de l’Etat social et de la protection sociale, mais seulement plus modestement construire des scénarios possibles de leurs évolutions futures. A cette fin, il faut envisager ce futur en le replaçant dans l’environnement économique, social et politique actuel qui peut être caractérisé par trois grands types de tendance et/ou stratégies : les tendances endogènes au système de protection sociale lui-même, les tendances à la mondialisation des économies, enfin les tendances à la recomposition de la carte des sociétés politiques (par désagrégation et/ou création d’unions interétatiques régionales comme dans le processus de l’européanisation). Un tel cadrage nécessite 1/de repartir des origines - du passé -, 2/de faire le constat du présent, avant 3/d’en arriver à un futur que la crise mondiale structurelle qui se fait jour en 2007 oblige à reconsidérer de façon moins unilatérale qu’auparavant.
Mais avant d’en venir à cette grille historique d’analyse, je resituerai la question de l’avenir de la protection sociale par rapport à l’objet général du colloque qui est de « Comprendre la solidarité ». Je commencerai donc par quelques réflexions d’une part sur la dimension solidariste des systèmes nationaux de protection sociale, d’autre part sur l’extension de cette dimension requise par les changements d’échelle territoriale d’organisation des systèmes politiques.