Résumé
Les normes du travail et le commerce ont une longue histoire aux États-Unis. Déjà à la fin du dix-neuvième siècle, la protection du niveau de vie et des conditions de travail fut fréquemment invoquée en appui aux tarifs douaniers et aux législations sur la concurrence extérieure. Plus tard, avec la loi sur la réciprocité commerciale et la mise en place du GATT, les normes du travail furent associées à la concurrence loyale dans les échanges, mais elles servirent également de faire-valoir d’un ordre dont on attendait qu’il apporte paix, liberté et prospérité. À partir des années 1980, nouveau changement : les droits du travailleur apparaissent, à côté des droits des entreprises. Leur promotion devient un enjeu international en même temps qu’une source de litige majeure entre les États-Unis et les pays en développement, au GATT puis à l’OMC. Qu’à cela ne tienne : même si un petit nombre de droits, qualifiés de fondamentaux, font, depuis 1998, l’objet d’une reconnaissance spécifique de la part de l’OIT, les États-Unis persistent à faire figurer la reconnaissance, la promotion et le respect des droits du travailleur dans leurs objectifs de négociation et dans tous leurs accords commerciaux et autres engagements internationaux. Le texte qui suit retrace l’évolution du débat américain sur les normes du travail et le commerce et propose une explication différente de celles que l’on retrouve habituellement dans la littérature.
Sans nier certains aspects protectionnistes ni négliger les tractations politiques autour du libre-échange, l’auteur préfère insister sur deux autres dimensions. En premier lieu, il rattache le débat sur les normes du travail et les clauses sociales à celui qui entoure l’application et le respect du principe de réciprocité dans les relations commerciales. En second lieu, il le rattache à un autre débat, central à la politique étrangère des États-Unis : l’internationalisme libéral. Indissociables de la réciprocité commerciale et du respect d’une concurrence loyale sur les marchés internationaux, les normes du travail suivent de près la politique commerciale des États-Unis et les débats à leur sujet refètent les évolutions de cette dernière. L’auteur montre notamment comment les États-Unis ont toujours cherché à étendre le principe de concurrence loyale aux conditions de travail, un principe qui doit s’appliquer au commerce comme à l’investissement mais qui suscite toujours les plus vives réactions de la part de nombreux pays. La référence à l’internationalisme libéral permet, selon l’auteur, d’élargir le débat et de rattacher les normes du travail aux droits du travailleur, en tant qu’être humain mais également en tant qu’acteur économique. Le débat opposerait dès lors deux traditions différentes du libéralisme américain, qu’il qualifie, respectivement, de naturaliste et mélioriste. Le méliorisme permettrait d’expliquer, selon lui, notamment l’idée de conditions de travail acceptables que l’on retrouve dans tous les accords commerciaux américains, mais que l’on retrouvait déjà dans la Charte de La Havane. Sans l’internationalisme libéral, le commercialisme américain ne serait qu’une forme parmi d’autres de mercantilisme, et sans le méliorisme, le premier ne pourrait apporter les promesses de la paix et de la prospérité par le commerce.
(suite dans le document joint)