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Dossier : Innovation et développement chez Schumpeter : Appel à contribution

(prolongation de l’appel) Dépôt avant le 30 novembre 2011


1. Mise en perspective

Joseph A. Schumpeter était un économiste aussi distingué qu’extrêmement cultivé. Les brillantes nécrologies qu’il a rédigées, ses textes classiques en pensée économique, sa profonde connaissance des débats monétaires et surtout, sa magistrale Histoire de l’analyse économique, en témoignent amplement. Doté d’un très grand esprit de synthèse, il était capable de croiser le fer avec maestro aussi bien contre Marx, qu’il enviait, que contre certains épigones de l’école autrichienne dont il était pourtant issu, et aussi bien contre Keynes, qu’il haïssait, que contre les monétaristes qui ne comprenaient rien selon lui à la monnaie.

Schumpeter était aussi un ambitieux, au demeurant fort imbu de sa personne comme tous ceux qui voient loin et grand, dont le dessein était, comme avait tenté de le faire Marx, non seulement de comprendre comment fonctionnait le capitalisme comme système - ce qu’avaient déjà réalisé en grande partie les économistes, et tout particulièrement Walras pour qui il avait une admiration sans borne -, mais aussi et surtout, d’en comprendre le mouvement, la dynamique, le développement.

À la compréhension du capitalisme comme système, Schumpeter a indéniablement apporté sa contribution. Ou du moins, aussi à l’aise avec l’histoire, l’analyse factuelle et la sociologie qu’avec les théories économiques, il nous en livre une interprétation qui mérite toujours qu’on y revienne et qu’on s’y intéresse de près, notamment lorsqu’il est question du lien entre le capitalisme et le rationalisme ou entre le capitalisme et la démocratie. Et ce, que l’on soit d’accord ou non avec lui. Mais de lui, on a surtout retenu sa théorie du développement économique, avec ses différents mouvements, ses ruptures et, bien entendu, ce qui le crée, le provoque : l’innovation. On connaît la suite : pas d’innovation sans entrepreneur, mais pas non plus d’entrepreneur sans crédit ni environnement favorable au marché, à l’esprit d’entreprise, à l’efficacité.

Dans un texte de 1932, totalement inconnu jusqu’à sa découverte, en 1933, par Hans Ulrich Eβlinder [1] et appelé tout simplement « Développement », Schumpeter fait part à la fois de ses certitudes et de ses doutes à propos de sa propre théorie de l’innovation. Comme le soulignent ses « découvreurs » dans leur introduction, le texte n’est peut-être pas peaufiné mais il est important. Pour deux raisons.

Premièrement, il pose clairement les termes du débat : de quoi parlons-nous exactement lorsqu’il est question de développement ?

Oublions nos idées reçues, nous dit Schumpeter, lorsqu’il est question de développement : (1) arrêtons de porter des jugements de valeur sur le changement, que ce soit en termes de progrès ou de régression ; (2) arrêtons de ne voir le développement qu’au travers de la lorgnette d’une théorie et regardons aussi les faits ; et (3) évitons de penser que les structures ne peuvent changer, être créées. Regardons plutôt ce qu’est le développement : la transition d’un état normatif du système économique à un autre, sans que l’on puisse décomposer le changement en séquences infinitésimales. On retrouvera là, en partie, la distinction moderne entre croissance et développement, entre l’accroissement quantitatif de l’économie et sa transformation qualitative mais, pour Schumpeter, le développement a une signification beaucoup plus profonde que la simple observation d’un phénomène qualitatif qui accompagnerait ou non la croissance économique : il y a développement lorsqu’il y a passage, et par le fait même rupture, d’un état d’équilibre à un nouvel état d’équilibre qui n’a rien à voir avec le précédent. À chaque équilibre du système est associée une combinaison spécifique de facteurs de production, de produits, etc. ; c’est un tout stable que vient bouleverser l’innovation. Le développement est discontinuité, turbulence, et il n’y a développement que lorsqu’il y a destruction créatrice, autrement dit ré-organisation du système sous l’effet d’une re-combinaison de l’appareil productif ou innovation.

Mais qu’est-ce qu’une innovation et d’où viennent les innovations ? C’est la seconde raison pour laquelle le texte de Schumpeter est intéressant. On le voit bien à sa lecture, l’auteur s’interroge ; il remet en question ses certitudes théoriques. On connaît bien le lien étroit qu’établit Schumpeter entre l’entrepreneur et l’innovation, mais qu’est-ce qu’une innovation, qu’est qu’un entrepreneur ? Sinon dans le premier cas, une invention qui a bouleversé les conditions du marché, et dans le second, un chef d’entreprise qui a réussi, avec en bout de ligne un profit qui n’est rien d’autre chez Schumpeter que la récompense sociale de cette double réussite.

Il ne s’agit là que d’un résultat ex post, quand tout est fini. Peu de chefs d’entreprise, peu d’inventions, méritent le titre d’entrepreneur, d’innovation. Sans oublier les différences qualitatives entre les différentes innovations sur lesquelles Schumpeter a cherché à capitaliser pour développer sa théorie des trois mouvements/cycles dans Business Cycles (1939). Ce livre, pourtant une véritable somme de faits historiques, fut vertement critiqué et rapidement oublié ; il laissa aussi un goût amer à Schumpeter. Même si le débat sur l’existence ou non des cycles longs dits Kondratieff reste toujours ouvert, il était manifeste que Schumpeter avait fait fausse route et qu’il était allé beaucoup trop loin. « Développement » est encore un texte de réflexion, à commencer sur l’idée même de nouveauté. Schumpeter n’a pas, à proprement parler, d’explication à nous offrir sur ce qui fait la nouveauté ni pourquoi il y a nouveauté, là et pas ailleurs, à un moment donné et pas à un autre, etc. Sur deux points néanmoins, son point de vue est bien arrêté : ni les théories institutionnalistes ni les théories évolutionnistes ne nous sont d’un grand secours. En fait, s’il y a une direction et une seule vers laquelle il faut regarder, c’est, selon lui, celle de l’art, de la peinture.

Comment expliquer le changement en art ? C’est la question que Schumpeter se pose en prenant le cas de la peinture à Florence au treizième siècle. Il n’est pas sûr que la question ait une réponse, mais Schumpeter réfléchit tout haut sur l’indétermination qui se cache derrière toute nouveauté. Parce qu’après tout, c’est bien là que se trouve la limite des théories déterministes : elles peuvent peut-être expliquer un sentier de développement, mais pas le développement lui-même, du moins le développement dans le sens où le conçoit Schumpeter, c’est-à-dire comme un processus en trois temps de nouveauté (innovation), de bouleversement et de recomposition du système économique.

2. Thématique du numéro

Nous proposons de partir du texte « Développement », dont nous publierons la traduction française dans ce numéro de la revue, et d’ouvrir le débat sur l’actualité et l’intérêt (ou non…) de la conception du développement chez Schumpeter.
Cinq thèmes seront couverts :

  • Comment situer la théorie schumpétérienne du changement social dans les anciennes et nouvelles théories de l’évolution des sociétés et quelle filiation faire ou ne pas faire avec les travaux de penseurs qui lui sont contemporains comme Veblen, Weber, Childe ou Polanyi ?
  • Quelle place pour les institutions (démocratie) et les idées (raison) dans la théorie schumpétérienne de l’innovation, du changement et du mouvement ?
  • Schumpeter, Marx et Walras. Comment se situe Schumpeter par rapport à Walras ? à Marx ?
  • La théorie de l’innovation de Schumpeter a connu un renouveau dans les années 1990, dans la mouvance des débats sur les nouvelles technologies de l’information et des communications ainsi que sur la nouvelle économie. Quel bilan peut-on tirer de ces débats sur le plan empirique et sur le plan théorique ?
  • La théorie de l’innovation de Schumpeter est indissociable de sa théorie de la monnaie-crédit. Comment se situe Schumpeter dans la pensée monétaire ?

3. Comité de rédaction

4. Modalités

Veuillez envoyer le résumé de votre proposition (1 page maximum) avant le 30 novembre 2011 à fontan.jean-marc@uqam.ca et à deblock.christian@uqam.ca

Une fois la proposition acceptée (réponse 1er juin), la version complète du texte sera à remettre pour le 15 février 2012.

Tous les textes reçus seront examinés par l’équipe de coordination du numéro puis envoyés à deux évaluateurs externes (évaluation à l’aveugle).

5. Protocole de rédaction

Les articles proposés au Comité de rédaction doivent être originaux, ne pas avoir été soumis ailleurs et ne pas avoir été publiés dans une autre langue. Les articles n’excèderont pas 25 pages (incluant tableaux, graphiques et bibliographie) à interligne et demi (ou 50 000 signes) et devront être accompagnés d’un court résumé d’une dizaine de lignes, en anglais et en français, et de cinq mots clé, en anglais et français également.

L’auteur fournira les renseignements suivants : son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son adresse électronique ainsi que son titre et son établissement de rattachement.

Les textes seront examinés de façon anonyme par deux lecteurs externes (ou trois s’il n’y a pas entente sur l’évaluation). Les articles soumis présenteront des résultats de recherche originaux et des qualités telles que la lisibilité et la pertinence par rapport à la problématique générale du numéro. Les articles publiés restent la propriété de la revue.

6. Présentation des articles

Les notes seront présentées en fin de texte et seront identifiées en chiffres arabes.
La bibliographie complète doit être formulée comme suit :

Livre : Dostaler, Gilles et Michel Beaud (1996). La pensée économique depuis Keynes, Paris, éditions du Seuil, 444 pages.

Revue : Dutraive, Véronique (1993). La firme entre transaction et contrat : Williamson épigone ou dissident de la pensée institutionnaliste, Revue d’économie politique, vol. 103, n° 1, pp. 83-105.

Article de livre : Élie, Bernard (1997). Contre l’apartheid économique : le combat politique, dans Juan-Luis Klein, Pierre-André Tremblay et Hugues Dionne (sous la direction de), Au-delà du néolibéralisme : quel rôle pour les mouvements sociaux ?, Études d’économie politique, vol. 13, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, pp. 179-186.

7. Pour plus d’informations sur la revue :

http://interventionseconomiques.revues.org/
La revue Interventions économiques est une revue scientifique qui s’intéresse aux débats théoriques en économie politique et en socio-économie, à l’évolution et aux transformations socio-économiques des sociétés actuelles et aux résultats de recherche menés dans ces divers domaines. Elle est maintenant disponible au portail revue.org du Centre pour l’édition électronique ouverte (CLÉO).

Interventions économiques présente des analyses et résultats de recherche pouvant provenir de l’ensemble des sciences sociales, mais privilégie les thèmes reliés à l’économie politique, à la sociologie économique, au travail et à l’emploi, au développement (local, régional, international), à la mondialisation et à l’économie politique internationale, ainsi qu’à l’analyse des écrits d’auteurs importants dans ces différents champs.
La revue publie des articles en français et en anglais. La revue publie des articles dont la qualité scientifique sera évaluée par deux évaluateurs anonymes (ou trois en cas de divergence) mais veut aussi s’assurer du transfert des connaissances par des articles clairs et compréhensibles, qui permettent de rendre ces contributions accessibles aux acteurs socio-économiques et politiques.

Chaque numéro est consacré à un thème particulier, sous la coordination d’un ou plusieurs chercheurs reconnus. Chaque dossier thématique comporte un article de portée générale et présentant les articles, et environ six (6) articles de fond. La revue publie aussi des articles hors thème, des essais, des entrevues avec des spécialistes et des comptes rendus d’ouvrages récents.


[1On retrouvera la traduction de ce texte en anglais avec une introduction de Markus C. Becker, HansUlrich Eβlinder, Urlrich Hedtke et ThorbjØn Knudsen, dans le Journal of Economic Literature : vol. XVLIII, mars 2005, pp. 108 – 120. Pour la version Internet du texte, voir : <http://www.schumpeter.info/Edition-Evolution.htm>.

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